Le numéro d’été 2025 de Politique étrangère (n° 2/2025) vient de paraître. La rédaction vous offre à lire l’un des articles du dossier : « Naviguer sur l’océan multilatéral : lost in decomposition ? », écrit par Frédéric Ramel, professeur en sciences politiques à Sciences Po et chercheur au CERI.

En déclin, déboussolé, voire aux portes du crépuscule : les pessimismes s’accumulent à l’endroit du multilatéralisme, amplifiés par l’entrée dans le second mandat de Donald Trump. Comme pratique diplomatique plus ou moins institutionnalisée commençant avec trois États, ce multilatéralisme peut revêtir une pluralité de formes, le long d’un continuum allant de la simple coordination entre États aux actions des organisations intergouvernementales dotées d’une personnalité morale, d’un siège et d’une bureaucratie. Le multilatéralisme est aussi et surtout une « technique normative de réalisation du droit international, qui concerne tant sa production que son application». La matière même de ce droit consiste à établir des liens de plus en plus serrés entre les États, par la formulation d’objectifs communs, la pacification des relations internationales ou encore l’universalisation des règles et des conduites. Né au XIXe siècle d’une gestion collective d’enjeux techniques variés comme les transports ou les communications, il a investi le champ de la guerre et de la paix à partir de 1919 avec la Société des Nations.

Quels que soient les objets de négociation diplomatique, ce multilatéralisme s’apparente à une politique du tissage ayant pour visée de faire converger les volontés à partir de frictions, de tensions, de compétitions entre les États. Que ce tissage se réduise à canaliser l’unilatéralisme ou qu’il promeuve des biens publics mondiaux de manière robuste, il renvoie bel et bien à l’idée de maillage au cœur de la société mondiale. Aujourd’hui, ce maillage s’est à la fois complexifié et relâché.

La complexité tient à la multiplicité des organisations multilatérales qui interagissent et à la présence de cadres multilatéraux hors de celles-ci. En résultent une tendance à la marginalisation des Nations unies et de son système d’institutions spécialisées dans l’archipel de la gouvernance mondiale, ainsi qu’un multilatéralisme qualifié de brouillon. Un autre aspect de la complexité réside dans l’entrelacement des enjeux mondiaux, dont la gestion ne peut plus être envisagée en silo : voir l’approche One Health, qui a pour ambition d’articuler les mesures relevant des santés environnementale, animale et humaine. D’où la question de la coordination de l’ensemble de ces acteurs multilatéraux. Quant au relâchement du maillage multilatéral, il renvoie à des conduites moins respectueuses des règles, voire à leur violation pure et simple, comme l’illustre l’agression de la Russie sur l’Ukraine en 2022. Quelles sont les conséquences de ces phénomènes sur le canevas multilatéral ?

De grandes puissances – y compris les États-Unis qui ont pourtant contribué à faire éclore le système des Nations unies – cherchent à se libérer de ce qui fait l’esprit même du multilatéralisme. Celui-ci n’est pas seulement prisonnier d’un système international « en transition ». Lorsque certaines représentations du monde, qui s’éloignent d’une conscientisation planétaire, façonnent les politiques étrangères, elles affectent le multilatéralisme conventionnel. L’Organisation des Nations unies (ONU) est alors fragilisée, bien qu’une énergie sociale se manifeste en vue de la réformer. En parallèle, les formes multilatérales souples, comme la diplomatie de clubs ou le minilatéralisme, exercent une attraction qui a pour résultat d’alimenter un polycentrisme décisionnel. D’autres tendances moins visibles se superposent à ce polycentrisme, mettant l’accent sur une recomposition complexe des manières de vivre le multilatéralisme contemporain. […]

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