Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Jérome Marchand propose une analyse des ouvrages de Noel Maurer, The Empire Trap. The Rise and Fall of US Intervention to Protect American Property Overseas, 1893-2013, (Princeton, NJ, Princeton University Press, 2013, 568 pages), et de Richard D’Aveni, Strategic Capitalism. The New Economic Strategy for Winning the Capitalist Cold War (New York, NY, McGraw-Hill, 2012, 304 pages).

Ces deux titres sont à recommander aux chercheurs spécialisés dans les questions économiques et diplomatiques, ainsi qu’aux responsables d’associations patronales. Chaque ouvrage traite des interactions entre le monde des affaires américain et les milieux dirigeants de Washington, en cherchant à déterminer d’abord dans quelle mesure la perception spontanée ou construite des menaces externes (États spoliateurs et États compétiteurs) influence la conduite de la politique étrangère et ensuite de quelles manières les États-Unis peuvent atténuer les fuites d’hégémonie et leurs retombées en cascade.

EmpireLe lecteur averti ne s’arrêtera pas à ce résumé. Par-delà les considérations de souveraineté et de prééminence, il faut avant tout s’intéresser aux grilles d’analyse mises en place par les deux auteurs, ainsi qu’aux mesures adaptatives et curatives dont ils dressent le tableau. The Empire Trap, ouvrage historique, cherche à déterminer comment la protection extérieure des investissements privés a pris le pas sur les considérations de haute politique dès le début du xxe siècle, puis montre en quoi le développement des systèmes institutionnels d’arbitrage international a permis au pouvoir d’État de conserver une certaine indépendance face aux lobbies. Tout n’est pas d’égale valeur dans cette fresque. Les passages traitant des années 1898-1945 sont bien menés. Ceux consacrés à l’après-Seconde Guerre mondiale sont inégaux, voire décevants pour la période qui va des années 1980 à nos jours. Il faut cependant souligner que l’auteur a mobilisé une masse considérable de données quantitatives en les insérant dans un récit cohérent, rédigé dans une langue vivante. Ce qui n’est pas un mince tour de force.