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France Culture parle de PE 2/2012

France Culture a convié deux auteurs de Politique étrangère 2/2012 à venir évoquer le dossier « Internet, outil de puissance ».

Écoutez Julien Nocetti (auteur de « Russie : le Web réinvente-t-il la politique ? ») dans l’émission de Xavier de La Porte, « Place de la Toile » :

À écouter également, Marc Hecker (auteur de « Les armées doivent-elles craindre les réseaux sociaux ? ») dans l’émission de Frédéric Martel, « Soft Power » ( à 32′) :

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Edito PE 2/2012 : Gouvernance d’Internet et Géopolitique asiatique

Éditorial (2-2012) de Dominique David, rédacteur en chef de Politique étrangère

Deux espaces de notre temps se partagent cette livraison de Politique étrangère. L’un, bien réel, définira demain en large part l’avenir économique et politique de la planète : l’Asie. L’autre, que les générations descendantes qualifient encore de « virtuel », est aussi réel et pèse tout autant sur l’avenir : le cyberespace et sa composante première, Internet. Sans doute ces deux espaces englobent-ils, avec le champ des échanges financiers, les dynamiques majeures de recomposition de notre monde.
Au cœur de l’Asie : l’inconnue chinoise. Outre les interrogations sur la pérennité de sa croissance et ses éventuels cahots politiques internes, c’est la capacité de la Chine à maîtriser ses propres errances internationales qui est en cause : son poids même ne rend-il pas l’action chinoise contradictoire, et le mastodonte peut-il se faire aussi léger, aussi conciliant qu’il le prétend ? Quel effet ces errances, ces contradictions peuvent-elles avoir sur la région et sur les grands partenaires de Pékin ? Et au-delà sur le monde ? On sait que la Chine pèse bien au-delà de l’Asie : sur les approvisionnements énergétiques, sur le système financier mondial, sur l’organisation des échanges commerciaux… et sur la stratégie de la première puissance du monde, les États-Unis. Une stratégie qui pose problème à des Européens parfois dépités de la rétraction de la puissance américaine qui suit les échecs de l’ère Bush et inquiets de son indéniable réorientation en direction de l’Asie.
Certes, la Chine n’est pas seule en Asie. Mais l’Inde, sa puissance réelle et ses stratégies restent remarquablement mal connues en Occident, spécialement de ce côté-ci de l’Atlantique. Le pays n’est souvent analysé qu’en « contre » de Pékin, qu’en instrument d’une nouvelle diplomatie américaine dans la région. New Delhi a pourtant mis en œuvre depuis la fin de la guerre froide des stratégies régionales discrètes et fines qui l’installent comme joueur de plein exercice bien au-delà de l’Asie du Sud, comme élément décisif des recompositions présentes.
L’espace asiatique abrite peut-être l’« usine du monde » ; mais aussi un des laboratoires du monde de demain. On tente de s’orienter, dans le présent numéro, dans le lacis des acteurs et l’enchevêtrement des organisations intergouvernementales que recèle l’Asie : un défi non négligeable pour des esprits occidentaux que rassurent d’abord les concepts de gouvernance pyramidale… Mais ce modèle articulé d’organisations spécialisées correspond sans doute à la complexité, à la subtilité d’un vaste espace où les sous-régions se rapprochent sans se confondre, où les future n’évoquera que de loin un ordonné concert des nations. L’Asie s’occupe à inventer un monde qui ne ressemblera pas au nôtre, même s’il en reprend quelques logiques – par exemple celle des accumulations d’armements.

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Qu’Internet soit un objet politique, nul n’en doute. Il organise, désorganise, structure – mais autour de quelles logiques ? – nos sociétés. Il joue ici ou là un rôle non négligeable de mobilisation sociale, comme l’ont montré les soulèvements arabes. Il s’est développé selon des logiques propres, des modes de gestion transnationaux particuliers, qui retiennent l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’émergence d’une nouvelle gouvernance internationale. Il est utilisé par les États dans la gestion de leur propre espace politique – comme le rappellent les exemples russe et chinois présentés dans ce numéro. Il est aussi utile pour affirmer la présence internationale et l’action diplomatique des États (les États-Unis ont eu le mérite de le comprendre avant d’autres).

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Pourquoi les BRIC changent le monde

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2012). Yannick Prost propose une analyse de l’ouvrage d’Alexandre Kateb, Les nouvelles puissances mondiales : pourquoi les BRIC changent le monde (Ellipses, 2011, 272 pages).

Les travaux sur les puissances émergentes connaissent une vogue certaine et, comme souvent dans les phénomènes de mode, le meilleur y côtoie le pire. L’ouvrage d’Alexandre Kateb se range dans la première catégorie, car l’auteur a tenté une synthèse aussi intelligente que difficile en s’appuyant sur une bibliographie honnête. Difficile parce qu’il faut bien avouer que le concept de BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) est nébuleux. Les BRIC sont des puissances économiques en phase de rattrapage, comptant désormais parmi les dix ou douze premières puissances mondiales. Pour le reste, l’ensemble est hétéroclite. Toutefois, l’ouvrage parvient à mettre en lumière quelques convergences.
En premier lieu, l’émergence se caractérise par un type de développement qui remet en cause les préconisations du libéralisme économique. Si l’orthodoxie financière est généralement respectée, ces puissances se caractérisent par un fort interventionnisme étatique. Ce dernier s’exprime particulièrement en matière de politique industrielle, qui bénéficie d’une stratégie de « champions nationaux », grandes entreprises solidement tenues par les autorités nationales via des noyaux durs d’actionnaires et une réglementation protectrice contre une prise de contrôle par les étrangers. L’intérêt national primant celui des actionnaires privés, les groupes industriels peuvent mener une politique d’investissement à long terme. Enfin, une habile manipulation des taux d’intérêts et une politique bancaire prudente – les leçons de la crise de 1997-1998 ont été tirées – permettent de profiter d’une sous-évaluation des monnaies ou au moins de garantir la stabilité de celles-ci contre les spéculations.
Mais si le rattrapage industriel a été spectaculaire, ces économies pourraient peiner à franchir la frontière technologique : en effet, malgré d’importants investissements dans l’éducation, les BRIC rencontrent des succès mitigés dans l’économie de la connaissance. La faiblesse de la recherche fondamentale, un environnement intellectuel peu propice et un effort généralement insuffisant dans la recherche et développement (R&D) limitent la maîtrise de l’innovation. Le « Cyberabad » des informaticiens indiens ne doit pas faire illusion : il n’exerce guère d’effet d’entraînement sur le reste de l’économie du pays. Toutefois, ces pays ont pris conscience de leurs lacunes et réalisent déjà des percées sur quelques niches.
Ces puissances économiques abritent des sociétés encore marquées par les vestiges du sous-développement ou d’une mauvaise adaptation à la modernité démocratique : bien que la proportion de pauvres ait baissé, le niveau de vie moyen demeure modeste. Ces sociétés, entrées en transition démographique ou l’ayant achevée, doivent encore gérer l’exode rural ou faire face au déclin démographique (Russie). Le système de protection sociale demeure lacunaire et faible et les très fortes inégalités sociales suscitent des questions sur la stabilité politique à moyen terme. Enfin, les dommages causés à l’environnement présentent des défis considérables.
Puissances émergentes, les BRIC sont également des sociétés en transition : régimes autoritaires (Chine, Russie) ou sociétés conservatrices dominées par des castes (Inde, Brésil), elles peinent à accepter les standards occidentaux de l’état de droit et de la démocratie. Le Brésil se détache peut-être du groupe : n’ayant pas subi de subordination récente à l’Occident, il semble moins marqué par le nationalisme et le besoin de revanche sur les pays du Nord. Toutefois, ces politiques étrangères convergent pour remettre en cause le statu quo post-guerre froide régissant le système international : remise en cause de la domination occidentale, de l’ingérence dans les affaires intérieures des États et de l’unipolarisme présumé des États-Unis.
Un nouvel équilibre des forces, source de définition d’un nouvel ordre mondial ? Pas certain, car les BRIC ne sont ni un groupe cohérent, ni une force d’entraînement des pays du Sud. Non, au fond, les BRIC incarnent une vision du monde westphalienne, face à laquelle l’Europe se trouve bien désarmée.

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