Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2025 de Politique étrangère (n° 1/2025). Etienne Smith propose une analyse de l’ouvrage de Séverine Awenengo Dalberto, L’idée de la Casamance autonome. Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal (Karthala, 2024, 316 pages).

L’ouvrage propose une généalogie de la fabrique des imaginaires de la Casamance autonome, de la fin du XIXe siècle au début des années 1970. L’énonciation d’un particularisme casamançais s’amorce de l’extérieur dès la fin du XIXe siècle, sous la plume de certains administrateurs coloniaux français, puis s’entretient dans l’entre-deux-guerres dans les débats budgétaires entre acteurs français, mais aussi créoles ou nordistes, dans l’espace urbain. Le tournant vers un travail culturel « interne » intervient à partir de la fin des années 1930, avec la génération charnière des instituteurs formés à l’École Normale William Ponty qui investissent les notions de « patrie » ou de « pays ». Ces notions prennent une autre dimension avec l’extension progressive de la citoyenneté impériale à partir de 1946, conjuguée à la forte scolarisation. C’est l’émergence du MFDC (1949-1956), qui devient rapidement hégémonique grâce à l’appui des réseaux scolaires en milieu rural. Le mouvement conjugue autochtonie et volonté de hisser ses représentants au cœur des institutions du Sénégal colonial en une intégration ambiguë au parti dominant BDS de Senghor et Dia.