En cette période de confinement liée à l’épidémie de coronavirus, la rédaction de Politique étrangère vous offre de (re)lire des textes qui ont marqué l’histoire de la revue. Nous vous proposons aujourd’hui un texte de Claude Lévi-Strauss, intitulé « La politique étrangère d’une société primitive », publié dans Politique étrangère en 1949. Il y analyse le rapport à l’étranger de différentes tribus, dont les Nambikwara du Brésil, connus des lecteurs de Tristes tropiques (1955). Ces tribus ne se caractérisent pas par une « agressivité innée » et coopèrent de différentes manières – notamment par des systèmes de dons qui s’apparentent à du commerce – avec des éléments externes, que ce soit des membres d’autres tribus ou des Occidentaux.
Le sujet du présent article présente, dans son énoncé même, quelque chose de paradoxal. Nous ne pensons pas spontanément qu’une société primitive, ou du moins cet ensemble d’une extraordinaire diversité que nous groupons, de façon un peu maladroite, sous ce vocable qui ne signifie ‘pas grand chose’, puisse avoir une politique étrangère. La raison en est que les sociétés primitives, ou prétendues telles, nous apparaissent comme des sortes de conservatoires, des musées vivants ; de façon plus ou moins consciente, nous n’imaginons pas qu’elles auraient pu préserver des genres de vie archaïque ou fort éloignés des nôtres propres, si elles n’étaient restées comme autant de petits mondes clos, complètement isolés de tous les contacts avec l’extérieur. C’est seulement dans la mesure où elles représenteraient des expériences isolées du reste de l’univers social qu’elles pourraient prétendre au titre de « sociétés primitives ».
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