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« La Turquie, incontournable et difficile partenaire de l’Europe »

Dans l’édition des Échos du 30 mars, Jacques-Hubert Rodier analyse la position diplomatique de la Turquie. Il cite l’article d’Aurélien Denizeau , « La Turquie entre stabilité et fragilité », paru dans le n°1/2016 de Politique étrangère.

Les echosDans un paradoxe de l’Histoire, l’Union européenne et la Turquie ont dû se rapprocher pour faire face à la crise des réfugiés syriens. Un rapprochement qui semblait improbable il y a peu, tant les deux entités semblaient s’éloigner l’une de l’autre. Il intervient au moment où le président Recep Tayyip Erdogan glisse de plus en plus vers l’instauration d’un régime autoritaire marqué à la fois par une répression accrue contre les journalistes, les universitaires et l’instauration lente de la charia. Mais la guerre civile en Syrie et l’exode massif de Syriens fuyant à la fois les bombardements du régime de Bachar Al Assad et les exactions de l’État islamique sont en train de rebattre les cartes géopolitiques. Après avoir boudé la Turquie, l’Europe a finalement accepté d’ouvrir un nouveau chapitre des négociations d’adhésion qui font du surplace depuis 2005. De plus, Bruxelles a accepté d’examiner l’une des demandes d’Ankara : la suppression des visas pour les ressortissants turcs circulant dans l’espace Schengen. Deux promesses qui semblent faire partie d’un jeu de dupes.

La Turquie entre stabilité et fragilité : trois questions à Aurélien Denizeau

Auteur de l’article « La Turquie entre stabilité et fragilité » paru dans le numéro de printemps 2016 de Politique étrangère (1/2016), Aurélien Denizeau, doctorant en histoire et sciences politiques à l’INALCO, et ancien stagiaire du Programme Turquie de l’Ifri, a accepté de répondre à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

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1) Comment peut-on expliquer les mesures de plus en plus autoritaires adoptées par le gouvernement turc ?

Le triomphe de l’AKP et de Recep Tayyip Erdogan aux élections législatives anticipées du 1er novembre 2015 leur a redonné une légitimité qui paraissait remise en cause depuis quelques années. Ils ont une vaste majorité parlementaire, et sont au pouvoir au moins jusqu’en 2019, ce qui leur offre une très grande marge de manœuvre.

Dans le même temps, l’intensification des violences internes liées à la question kurde est utilisée par le gouvernement pour justifier son autoritarisme. Chaque nouvelle attaque terroriste du PKK (ou des milices qui lui sont liées, comme les TAK) est l’occasion pour Erdoğan de s’en prendre à l’opposition parlementaire (notamment au parti HDP), aux journalistes qui lui sont hostiles, aux avocats qui les défendent, etc. Il n’a pas hésité à menacer la Cour constitutionnelle quand elle a fait relâcher deux journalistes d’opposition. Le contexte de violence profite donc au gouvernement turc, en enfermant l’opposition dans un choix binaire : « Vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes. »

Tout se passe comme si l’AKP sentait qu’il a désormais tous les atouts en main et que le moment est venu d’intensifier son contrôle sur la société. En cela, il s’inscrit dans une vieille tradition politique en Turquie, où le parti au pouvoir (quel qu’il soit) a toujours tendance à se considérer comme « propriétaire » légitime du pays. Et comme il est démocratiquement élu, l’AKP considère sa légitimité comme indiscutable : ceux qui le critiquent sont accusés de s’opposer au choix du peuple, donc à la démocratie.

2) Quelles sont les principales lignes de fracture qui traversent la société turque ?

Un premier clivage, assez clairement marqué, est celui qui oppose les soutiens d’Erdogan à ses opposants. Ce n’est pas un clivage symétrique, car le président est soutenu par un bloc assez identifiable, le petit peuple d’Anatolie profonde et les classes moyennes conservatrices représentées par le parti AKP ;

PE 1/2016 en librairie !

Le nouveau numéro de Politique étrangère (1/2016) vient de paraître ! Il consacre un dossier aux migrations en Afrique, sous un regard qui se veut à la fois novateur et différent, ainsi que de nombreux articles liés à l’actualité comme le retour de la question allemande, les rivalités entre l’État islamique et Al-Qaïda, le Brexit ou encore l’évaluation du poids de l’armée russe.

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Les déplacements des Africains concernent massivement…l’Afrique seule. Se préoccuper des migrations internationales, c’est donc porter le regard bien au-delà des conjonctures européennes. Ce numéro de Politique étrangère s’y attache, tentant de décrire (dans son dossier Migrations en Afrique : un regard neuf) les déterminants multiples des mouvements migratoires, les tentatives des États du continent noir pour gérer le problème majeur des déplacés internes, les difficultés d’intégration des migrants du travail dans les sociétés d’accueil, ou les faux-semblants des accords euro-africains de réadmission…

Dans une Europe confrontée à ses « polycrises », y a-t-il un retour de la question allemande ? – thème de notre rubrique Contrechamps – ? Sans doute oui. Non que l’Allemagne le souhaite, mais du fait de son poids propre, parfois de l’incertitude de ses choix, et surtout du doute fondamental, existentiel, des Européens sur eux-mêmes, sur les conditions de leur entente. Un doute qui valorise, dans les faits, les positions allemandes.

Le Moyen-Orient s’enfonce dans la tragédie, et cette livraison de Politique étrangère propose de multiples réflexions : sur les rivalités inter-djihadistes, les risques de contagion vers des pays encore vaguement stables, sur les rapports de force militaires sur le terrain, ou sur les logiques internes qui gouvernent l’acteur turc – joueur décisif dans toutes les hypothèses.

Avec, sous-jacente, une question qu’on avait en Occident chassée depuis vingt ans, et que l’actualité nous ré-impose : que vaut vraiment l’armée russe ?…

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Turquie et Kurdistan(s)

Suite aux récentes violences qui touchent la Turquie, avec notamment l’attentat qui a eu lieu mercredi 17 février dernier à Ankara, nous vous invitons à relire le dossier sur la Turquie et le(s) Kurdistan(s) du Politique étrangère n°2/2014, à commencer par l’introduction de Dorothée Schmid, responsable du programme Turquie contemporaine à l’Ifri.

Cover_2-2014ok« En novembre 2013 le maître de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, recevait avec les honneurs Massoud Barzani, président du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) irakien, à Diyarbakır, « capitale » kurde de Turquie. Le même Barzani, qui tient efficacement tête au gouvernement de Bagdad, était quelques mois plus tôt à Paris le héros d’une campagne d’affichage vantant le Kurdistan irakien comme « îlot de stabilité au Moyen-Orient ». Au même moment, d’autres Kurdes commençaient à découper en Syrie des enclaves pacifiques en marge de la guerre civile, combattant au passage des groupes djihadistes craints de tous. En Iran même, les guérilleros du Parti de la vie libre au Kurdistan (Partiya Jiyana Azad a Kurdistanê, PJAK), cousins du Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistan, PKK), semblent hésiter sur la tactique à privilégier face à la répression des mollahs.

Ces instantanés révèlent une réalité inattendue : le Moyen-Orient vit aujourd’hui un moment kurde. Éternels oubliés de l’histoire, les Kurdes s’imposent partout sur la carte régionale, et pas comme on les attendait. À rebours de l’imagerie bien ancrée du peshmerga et de l’activisme révolutionnaire, ils font désormais beaucoup de politique, et leur quête de respectabilité contraste avec les errements de régimes qui les ont réprimés pendant des décennies.

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