Cette recension est issue de Politique étrangère 1/2013. Marc Hecker propose une analyse de l’ouvrage de Jacques Bendelac, Israël-Palestine : demain, deux États partenaires ? (Paris, Armand Colin, 2012, 264 pages).

couv-BendelacJacques Bendelac explique dans cet ouvrage que la meilleure solution, pour les Israéliens et les Palestiniens, serait de vivre dans deux États distincts, enclins à coopérer. À rebours de publications récentes [1] mettant en cause la faisabilité de la « solution à deux États », l’auteur d’Israël-Palestine : demain, deux États partenaires ? demeure optimiste. Il développe une argumentation précise démontrant que les deux parties au conflit ont intérêt à enterrer la hache de guerre et à œuvrer ensemble à la prospérité du Proche-Orient.
Un point essentiel de la démonstration consiste à détailler le coût de la guerre. L’occupation de la Cisjordanie et le blocus de la bande de Gaza empêchent l’économie palestinienne de se développer normalement. Si le produit intérieur brut (PIB) palestinien présente un taux de croissance élevé, l’apparente bonne santé est en réalité artificielle : l’économie palestinienne vit sous perfusion de la communauté internationale. Le taux de chômage en Cisjordanie flirte avec les 20 % et avoisine les 50 % à Gaza. En 2007, un tiers des familles palestiniennes vivaient sous le seuil de pauvreté. La population palestinienne dispose pourtant de nombreux atouts, notamment d’un niveau d’éducation élevé. Neuf enfants palestiniens sur dix sont scolarisés. Les Territoires palestiniens comptent une dizaine d’universités et 53 % des étudiants y sont des femmes.
Quant à l’économie israélienne, elle a maintenu un niveau de croissance élevé malgré l’instabilité ambiante. Dans l’ouvrage Start-up Nation. The Story of Israel’s Economic Miracle paru en 2009 (New York, Twelve), Dan Senor et Saul Singer expliquaient que, paradoxalement, Israël avait bénéficié de l’état de guerre permanent : les investissements massifs dans la recherche militaire ont contribué à développer le secteur de la haute technologie et à transformer le pays en « nation start-up ». J. Bendelac relativise cette thèse. Il estime que la guerre avec les Palestiniens bride les échanges commerciaux avec les États arabes et dissuade nombre de touristes de visiter Israël. Ainsi, la paix « doperait immédiatement le PIB israélien de 2 %, soit un gain de 4 milliards de dollars par an ». Par ailleurs, la fin des hostilités permettrait d’améliorer les services publics en ponctionnant le budget de la Défense. Ce dernier « absorbe environ 30 % du budget de l’État durant les années de guerre et 15 % des dépenses publiques durant une année d’accalmie ».
J. Bendelac ne croit toutefois pas que le développement économique puisse résoudre les problèmes du Proche-Orient. Il dénonce les « illusions de la paix économique » promue par Benjamin Netanyahou et avance que seul un accord politique – réglant notamment le statut de Jérusalem – permettra d’aboutir à la paix. Autrement dit, le développement est vu comme la conséquence de la paix et non comme la solution miracle.
On aimerait partager l’enthousiasme de J. Bendelac, mais à l’heure où sont écrites ces lignes, la bande de Gaza s’enflamme à la suite de l’élimination « ciblée » du chef de la branche militaire du Hamas par l’armée israélienne. Les chercheurs ont beau parler de paix, le canon continue de tonner.

Marc Hecker

[1]. Voir par exemple S. Nusseibeh, What is a Palestinian State Worth?, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2011 et Z. Clot, Il n’y aura pas d’État palestinien, Paris, Max Milo, 2010.

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