À lire ci-dessous : l’article de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer – « Légalité et légitimité des drones armés », paru dans Politique étrangère 3/2013.
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Résumé – Les drones armés passent pour illégaux au regard du droit international humanitaire. Ils ne sont, en réalité, que les instruments nouveaux de guerres qui s’opèrent de plus en plus à distance de l’adversaire ; et ils permettent même sans doute des frappes plus discriminées que des armes plus classiques. Leur automatisation croissante pose, par contre, nombre de questions que de nouvelles réglementations internationales se doivent de prendre en compte.

000-cv1_PE-3-2013« L’objet de la guerre n’est pas de mourir pour son pays mais de faire en sorte que le salaud d’en face meure pour le sien. »
Général George S. Patton

Les questions éthiques et juridiques que suscite la robotisation militaire font l’objet d’un débat qui souffre de deux amalgames. Le premier confond la fin politique (l’assassinat ciblé, lui-même moyen de la lutte antiterroriste) et l’un de ses instruments pratiques (le drone). Si le drone est aujourd’hui la « figure aérienne du mal » [1], c’est largement du fait de son emploi par la CIA au Waziristan, au Yémen et en Somalie. Cette politique d’assassinats ciblés est discutable, mais il ne faut pas confondre la fin et les moyens. On peut en effet poursuivre la même fin avec d’autres moyens – avions, missiles, hélicoptères, tireurs de précision, commandos, tueur à pied, polonium 210… L’assassinat ciblé a toujours été utilisé par les États, et la question qu’il pose de la violence clandestine en territoire étranger est tout sauf nouvelle. Inversement, on peut utiliser ce même moyen pour d’autres fins : l’emploi des drones pour des assassinats ciblés est médiatique et controversé mais est quantitativement très minoritaire par rapport aux missions de surveillance. Et l’on peut faire usage des drones armés en situation de conflit (Afghanistan, Irak, Libye), où leur emploi n’est pas plus problématique que celui d’un avion ou d’un hélicoptère et peut empêcher des combattants de s’en prendre à des civils.
Le second amalgame regrettable assimile drones et robots létaux autonomes (RLA), prenant seuls la décision d’un tir offensif. Que les drones actuels soient tous télépilotés et qu’aucun d’entre eux ne « décide » de tirer (c’est un humain qui le fait, comme dans n’importe quel avion) n’y fait rien, tant fascine le mythe de la déshumanisation. C’est le syndrome Terminator, qui bénéficie du fait que l’autonomie est elle-même une notion confuse.

Les drones armés sont-ils légaux ?
Le droit international humanitaire (DIH) interdit les armes qui ne permettent pas de respecter ses principes généraux : nécessité, distinction, proportionnalité, précaution et interdiction de causer des maux superflus. C’est du fait de leur nature, c’est-à-dire de leurs caractéristiques, et non de leur utilisation, qu’elles sont illégales. On peut faire un usage non discriminant de n’importe quelle arme – tirer dans une foule à la kalachnikov, par exemple –, ce qui ne la rend pas pour autant illégale. Sont illégales les armes qui, par nature, ne peuvent discriminer, c’est-à-dire cibler seulement un objectif militaire (armes chimiques et biologiques, mines antipersonnel, armes à sous-munitions). D’autres sont interdites parce qu’elles causent des maux superflus ou aggravent inutilement les souffrances des combattants, comme les balles explosives qui éclatent à l’impact et causent de grands dommages aux os et aux tissus.
Qu’en est-il des drones armés ? Comme tels, ils ne violent aucun des principes du DIH. Les armes qu’ils emportent ne sont pas spécifiques, leurs missiles sont identiques ou similaires à ceux que tirent les avions habités. Leur persistance, la précision de leurs capteurs, la connaissance étendue qu’ils permettent, et la possibilité de prendre la décision du tir à froid, dans un environnement calme et en consultation avec des juristes, en font même des appareils potentiellement plus discriminants, plus susceptibles de respecter les principes de proportionnalité, de précaution et l’interdiction de causer des maux superflus.
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Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, docteur en science politique et en philosophie, juriste, enseigne le droit de la guerre à Sciences Po Paris et à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Il a publié de nombreux ouvrages dont La Guerre au nom de l’humanité : tuer ou laisser mourir (Paris, PUF, 2012), distingué par le prix Maréchal Foch de l’Académie française.

[1]. Comme le dénonce à juste titre J. Henrotin, « Le drone, figure aérienne du mal ? », DSI, Hors-série no 30, juin-juillet 2013, p. 50-52.

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