Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère
(n° 4/2018)
. Giuseppe Bianco propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Giuseppe Eusepi et Richard E. Wagner, Debt Default and Democracy (Edward Elgar, 2018, 224 pages).

Quelle relation entre dette publique et démocratie ? Voilà la vaste question à laquelle tente de répondre cet ouvrage collectif, qui résulte des analyses menées au sein de l’European Center for the Study of Public Choice de l’université La Sapienza de Rome. Les chapitres adoptent une perspective microéconomique visant à examiner la rationalité individuelle devant les choix budgétaires (première partie) ou une approche macro, qui se penche sur les propriétés systémiques des actions individuelles dans le cadre d’un système démocratique d’économie politique (seconde partie). Le regard se concentre sur l’Union européenne, et surtout sur la zone euro, avec des comparaisons à l’échelle mondiale.

La dette publique peut parfois être créée pour de bonnes raisons : elle peut par exemple financer les politiques pour combattre le réchauffement climatique. Ainsi, les générations futures, qui profiteront des effets positifs de ces actions, payeront les impôts nécessaires pour rembourser les prêts.

Toutefois, l’essentiel du livre se concentre sur les effets négatifs d’une dette publique excessive. Bien qu’il n’y ait pas de seuil universel du rapport dette/produit intérieur brut au-delà duquel la croissance économique diminue, des niveaux trop élevés peuvent réduire la demande intérieure, provoquer des crises de liquidité, limiter l’autonomie de la politique monétaire et la marge de manœuvre pour la politique fiscale. De surcroît, la possibilité d’un cercle vicieux entre crises de la dette publique et crises bancaires demeure.

Parmi les sujets abordés, la proposition de donner au bail-in (la participation des créanciers privés aux pertes dues à une décote) le même rang que celui qui est donné à la proscription du bail-out (sauvetage public) dans les traités européens. Néanmoins, cela pourrait ne pas suffire, puisqu’on montre ici que les citoyens d’un pays opposés au bail-out d’un pays étranger n’ont pas les moyens de l’empêcher. L’interdiction posée par les règles constitutionnelles ou européennes peut être contournée par une interprétation plus souple ; la Banque centrale étant indépendante, elle peut soutenir un pays étranger au bord de la faillite ; et une organisation internationale (par exemple le Fonds monétaire international) peut offrir son assistance.

De manière plus générale, du livre ressort un consensus sur la nécessité d’améliorer le cadre juridique existant pour réduire la dette publique et gérer les problèmes liés au surendettement. Le manque d’initiative actuel donne lieu à des signaux ambigus, qui engendrent des coûts importants en termes d’attentes des acteurs du marché.

Sur le contenu des règles à introduire, en revanche, le débat qui se développe entre les différentes thèses est riche et franc. On relèvera une certaine tendance à suivre les frontières nationales des pays d’origine des chercheurs. D’une part, certains chapitres prônent l’introduction de règles pour mieux gérer les crises de dette souveraine. D’autre part, on met en avant l’importance de centraliser au niveau de la zone euro le pouvoir budgétaire, l’Union n’étant, autrement, qu’une agrégation de pays fragiles et instables. En d’autres termes, le dilemme est entre la poursuite des politiques visant à réduire les risques et le renforcement de la mutualisation des risques. Avancer sur les deux fronts sera essentiel pour assurer l’avenir de la zone euro.

Giuseppe Bianco

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