Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2021 de Politique étrangère (n° 4/2021). Frédéric Charillon propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Christian Lequesne, La puissance par l’image. Les États et leur diplomatie publique (Presses de Sciences Po, 2021, 208 pages).

La diplomatie publique est-elle synonyme de soft power, ce concept exploré, popularisé et peaufiné par Joseph Nye ? C’est sur ce parallèle que s’ouvre le travail collectif dirigé par Christian Lequesne, agrémenté de nombreuses cartes fort utiles sur les diasporas, les étudiants chinois à l’étranger, les médias et réseaux sociaux, les établissements scolaires ou les organisations non gouvernementales (ONG). Comme le titre et le sous-titre l’indiquent, dans « diplomatie publique » il y a « publique », et qui dit « publique » dit État : il s’agit donc bien de stratégies étatiques, dans une compétition mondiale. Mais d’une stratégie qui ne saurait se résumer à une communication institutionnelle, encore moins à des instruments gouvernementaux.

Ce sont les États-Unis, nous rappelle-t-on, qui ont inventé l’acception moderne de la diplomatie publique. Ensuite, les variations furent nombreuses. On en retrouve plusieurs ici, dont on retiendra entre autres, après la discussion lancée par Christian Lequesne lui-même, la contribution claire et documentée de Stéphane Paquin sur l’usage d’internet et des réseaux sociaux, le décryptage du récit chinois par Alice Ekman ou le point sur la bataille des images par Tristan Mattelart. Des « Focus », comme autant d’encadrés en complément, viennent diversifier les exemples : sur la diplomatie numérique d’Israël, la chaîne Russia Today, la production cinématographique (ou de séries) turque…

Après l’ouvrage de référence que constitue l’énorme Routledge Handbook of Public Diplomacy dirigé par Nancy Snow et Nicholas J. Cull (Londres, Routledge, 2020, 2e édition), cet ouvrage plus ramassé offre une contribution francophone bienvenue. Celle-ci intervient à un moment où les questions sont nombreuses sur les stratégies d’influence, notamment chinoises, russes, turques ou des pays du Golfe, et sur les capacités européennes pour résister à ce mouvement, voire pour s’y inscrire. Si la France a longtemps confondu diplomatie publique et action culturelle extérieure, ce travail vient rappeler qu’il est bon d’élargir le spectre (L’Atlas de l’influence française au XXIe siècle de Michel Foucher – Paris,
Robert Laffont, 2013 – l’avait déjà montré). Les références bibliographiques,
nombreuses, les concepts évoqués (la « twiplomatie »…), les chiffres présentés, achèvent de nous convaincre que la question est digne d’intérêt.

En filigrane de cet ouvrage, une question demeure centrale : comment les
États peuvent-ils, à l’appui de leur stratégie, utiliser les acteurs non étatiques ? Comment les démocraties, notamment, peuvent-elles rayonner grâce à l’audiovisuel extérieur sans commander le contenu de celui-ci, ou tirer profit du travail des ONG (voir le chapitre d’Auriane Guilbaud), sans les prendre
pour des supplétifs (ce qu’elles n’accepteront pas) ? Comment, en d’autres
termes, inventer la diplomatie publique du XXIe siècle, qui est le contraire de ce que l’on appelait autrefois, un peu vite, « la propagande » ?


Frédéric Charillon

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