Article issu de Politique Etrangère volume 75, n°4, paru le 7 janvier 2011, portant sur l’ouvrage La politique internationale de la Chine : entre intégration et volonté de puissance, de Jean-Pierre Cabestan (Presse de Sciences Po, 2010, 464 pages). L’article qui suit a été rédigé par John Seaman, assistant de recherche à l’Ifri.
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Jean-Pierre Cabestan propose ici une réflexion de qualité sur un sujet trop souvent traité de manière polémique, ou dominé par des analyses anglo-saxonnes ou américaines.
L’étude cherche à comprendre avant tout dans quelle mesure les transformations, notamment économiques et sociales, de la Chine ces dernières décennies déterminent la politique étrangère et de sécurité du pays. Trois questions principales orientent cette réflexion : pourquoi la Chine a-t-elle modifié sa politique internationale, à quel degré, et jusqu’à quel point cette politique est-elle cohérente ? L’analyse retrace d’abord l’évolution de la politique étrangère et de sécurité chinoise depuis le lendemain de Tiananmen en 1989, examinant les lignes de force actuelles de cette politique, entrouvrant légèrement la boîte noire des principaux acteurs de la décision en Chine. Dans un deuxième temps, l’auteur étudie concrètement les relations entre la Chine et ses principaux partenaires, en premier lieu les États-Unis. Bien que l’entreprise dépasse sans doute les limites d’un seul ouvrage, les problématiques principales sont présentes et bien analysées.
Un des points forts de l’analyse est le débat interne autour de la politique étrangère en Chine. L’auteur expose à plusieurs reprises la diversité des points de vue chinois les plus influents. Les grands débats portent en réalité sur la transformation de la politique étrangère chinoise depuis la fin des années 1990. L ’approche visant à l’émergence d’un monde multipolaire et plaçant la Chine en position d’antithèse de la puissance américaine est progressivement reléguée au second plan. Non sans débat, les dirigeants du pays finissent par juger la stratégie d’opposition frontale avec les États-Unis contre-productive. En 1999, la Chine s’est ainsi engagée dans un vif débat, en apparence ouvert, autour de sa stratégie internationale, impliquant à la fois les principaux décideurs et les centres de recherche en matière de politique étrangère et de sécurité. Cet échange favorisait, en 2000-2001, l’émergence de nouvelles orientations visant à adoucir les tensions avec les principaux partenaires de la Chine et à mieux intégrer le pays dans le système international. La nouvelle approche mettait en avant le multilatéralisme et une stratégie plus indirecte à l’encontre de la puissance américaine et pour la défense des intérêts essentiels de la Chine. Mais le débat s’est poursuivi tout au long de la décennie, comptant parmi ses victimes la stratégie d’« ascension pacifique », laissant place à une diplomatie de bon voisinage, à la notion d’« harmonie » et à la mise en valeur du soft power chinois.
L ’auteur atteste cependant que la transformation entreprise à partir de 2000-2001 n’est qu’un changement tactique, qui vise avant tout à apaiser les critiques de l’étranger et à permettre l’approfondissement de l’influence internationale de la Chine. Le régime demeure fondamentalement inchangé et sa stratégie de moyen terme (2040-2050) reste, selon l’auteur, le rétablissement du pays non pas comme une mais comme la grande puissance mondiale. La « grande duplicité » de la politique internationale chinoise n’est pas tenable à terme, et l’auteur annonce des relations plus tendues, voire conflictuelles, entre la Chine et le reste du monde dans les années à venir.
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