Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Pierre Renno propose une analyse de l’ouvrage d’Ilan Peleg et de Dov Waxman, Israel’s Palestinians: The Conflict Within (Cambridge, MA, Cambridge University Press, 2011, 272 pages).

Plutôt que d’envisager le conflit externe et l’avenir des territoires occupés, les auteurs choisissent ici de s’intéresser au conflit interne et au statut des Palestiniens citoyens d’Israël. Peu médiatisée et largement ignorée dans les négociations, cette dimension du conflit est pourtant centrale pour l’avenir de l’État d’Israël. La présence, en Israël, de quelque 1,3 million de Palestiniens citoyens d’Israël (20 % de la population israélienne) ne manque pas d’interroger le devenir d’un État défini comme juif et démocratique. Pour Ilan Peleg et Dov Waxman, la situation est, depuis octobre 2000, particulièrement alarmante et le statu quo se révélera vite intenable.
Dans une première partie, les  auteurs nous présentent cette population palestinienne de l’intérieur : situation socio-économique, discours de ses représentants politiques et risques d’une éventuelle radicalisation (chap. 1-3). Ils interrogent ensuite la manière dont la majorité juive perçoit les populations arabes israéliennes (chap. 4). La seconde partie envisage les possibilités de réduire les tensions entre juifs et Palestiniens dans l’État d’Israël. Les auteurs rappellent d’abord les origines historiques de la situation d’hégémonie ethnique prévalant en Israël (chap. 5). Ils listent ensuite divers types de régimes susceptibles de constituer une alternative à la situation actuelle (chap. 6), avant de présenter leurs propres idées pour améliorer le statut, les droits et les conditions de la minorité palestinienne d’Israël. Le compromis envisagé se fonde sur l’idée d’un État qui serait tout à la fois « la patrie [homeland] juive et l’État de tous ses citoyens » (chap. 7). Même si elle est destinée à être combattue par les juifs comme par les Arabes, cette proposition est selon eux la seule à même de réduire les tensions que connaît aujourd’hui la société israélienne (chap. 8).
Sur un thème surinvesti par les discours militants, D. Waxman et I. Peleg réussissent à proposer un travail d’une grande rigueur. Leur première partie, descriptive, est solidement argumentée et ne cède jamais à la rhétorique dénonciatrice : les auteurs essaient toujours de fonder leurs dires sur des faits ou des données statistiques. Dans la seconde partie, la dimension normative est assumée. Mais les deux auteurs agrémentent leur proposition de considérations typologiques et comparatistes claires et pertinentes. Ce travail se distingue également par sa capacité à intégrer aux analyses proposées l’actualité récente sur les Palestiniens d’Israël. Le lecteur intéressé pourra ainsi y trouver une présentation détaillée des Vision Documents (quatre documents traitant de la nature et de l’avenir de l’État d’Israël produits par diverses organisations palestiniennes d’Israël entre 2006 et 2007) ou encore des éléments sur les « lois sur la loyauté », portées depuis 2009 par Yisrael Beitenou.
Cet ouvrage propose un excellent tour d’horizon de la question des Palestiniens d’Israël. On reprochera éventuellement aux auteurs de ne pas avoir couplé ce tour d’horizon à des illustrations plus microsociologiques : leur démonstration, si elle use (et parfois abuse) des sondages d’opinion, laisse rarement place à l’évocation des relations quotidiennes entre juifs et Palestiniens.

Pierre Renno

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