Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Clément Therme propose une analyse de l’ouvrage de Bryan T. Hamilton, Taming Tehran: An Analysis of US Policies Targeting Iran’s Nuclear Program (Sarrebruck, Lambert Academic Publishing, 2011, 104 pages).

L’auteur poursuit un double objectif : développer une analyse rigoureuse des ambitions nucléaires iraniennes et proposer une alternative à la politique de sanctions et de menaces poursuivie par Washington afin de circonscrire les progrès nucléaires de l’Iran. Bryan T. Hamilton rejette les arguments contestant la rationalité économique du programme nucléaire, fondés sur l’hypothèse d’une contradiction entre la possession de réserves en hydrocarbures et la production d’électricité nucléaire. Cette défense du programme nucléaire iranien est pertinente, même si l’auteur ne mentionne pas le risque environnemental consécutif à la mise en service de la centrale de Bouchehr en août 2010.
Depuis 1979, l’élément structurant du comportement diplomatique américain est le déni d’accès de l’Iran aux technologies nucléaires. Dès 1982, l’administration Reagan décide de mettre en place un embargo sur l’exportation des technologies nucléaires vers l’Iran. L’administration Bush poursuit la politique initiée en 1982 avec l’interdiction de l’exportation des technologies de double usage (civil et militaire) vers l’Iran à partir de 1990. Le président Clinton apparaît comme celui qui clarifie la stratégie iranienne de Washington. Il affirme ouvertement que l’Iran ne peut avoir de relations commerciales normales tout en développant un programme d’armes de destruction massive (ADM). Cette politique du dual containment (Irak et Iran) a un coût économique élevé et ne permet pas d’empêcher que d’autres États soutiennent le programme nucléaire iranien (Russie, Chine, Afrique du Sud, Autriche et Ukraine). Aussi l’accélération des progrès nucléaires de l’Iran pendant l’administration Clinton se poursuit-elle sous l’administration Bush Jr. malgré le renforcement de la politique de sanctions unilatérales et les velléités d’isolement de l’Iran.
Concernant la stratégie iranienne d’Obama, il est nécessaire, selon l’auteur, d’éviter de légitimer le président Mahmoud Ahmadinejad par la confrontation : il faut répondre aux besoins sécuritaires et économiques de l’Iran pour endiguer son programme nucléaire. Pour ce faire, l’auteur propose une levée unilatérale des sanctions américaines, qui permettrait de responsabiliser le gouvernement iranien face à sa propre population quant à la détérioration des conditions économiques. Il propose que la diplomatie américaine reconnaisse le droit de l’Iran à posséder une capacité technologique nucléaire et la rationalité économique du programme nucléaire. Pour leur part, les Iraniens devraient alors faire preuve d’une transparence totale et répondre aux questions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur leurs activités nucléaires passées.
L’auteur reconnaît que la finalité du programme nucléaire iranien est probablement la capacité d’assembler une arme nucléaire dans un délai de 30 à 90 jours. Mais à partir du constat de l’échec de la stratégie d’isolement et de sanctions des États-Unis, il propose une nouvelle stratégie diplomatique, selon lui plus efficace. D’aucuns n’hésiteront pas à qualifier de naïve la solution proposée, fondée sur l’intérêt des deux parties à coopérer, en particulier dans le secteur des hydrocarbures. Son principal mérite est pourtant d’ouvrir une nouvelle voie permettant de sortir la question nucléaire iranienne de l’impasse diplomatique.

Clément Therme

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