Mois : août 2012 Page 3 of 4

La guerre du Congo

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Yves Gounin propose une analyse de l’ouvrage de Jason K. Stearns, Dancing in the Glory of Monsters: The Collapse of the Congo and the Great War of Africa (New York, PublicAffairs, 2012, 416 pages).

Le livre de Jason K. Stearns constitue probablement l’ouvrage le plus complet et le plus captivant jamais écrit sur le conflit congolais et ses avatars. Un conflit qui, sur un territoire grand comme l’Europe de l’Ouest, opposa pendant près de six ans pas moins de neuf États et causa environ 5 millions de morts.
Le succès du livre tient à son écriture. Suivant une recette très américaine, J.K. Stearns mêle analyses politiques classiques et pages quasi documentaires où il décrit le contexte dans lequel ses interviews se sont déroulées. Une pratique bannie en France, où l’on apprend au jeune doctorant à s’effacer derrière son sujet. Les auteurs américains ne s’embarrassent pas de ces prescriptions, n’hésitant pas à écrire à la première personne et à frôler parfois le récit de voyage. Ainsi du livre de J.K. Stearns qui évoque les récits de Lieve Joris – Danse du léopard (Arles, Actes Sud, 2002) ou L’Heure des rebelles (Arles, Actes Sud, 2007), remarquables descriptions, pleines de finesse et d’humour, de la tragédie congolaise. On pense aussi à la trilogie de Jean Hatzfeld sur le génocide rwandais[1].
Sous la plume de J.K. Stearns, les guerres congolaises s’incarnent. Les anecdotes sur Laurent-Désiré Kabila (il avait transféré les réserves de la Banque centrale dans ses propres toilettes) décrivent un dirigeant falstaffien qui ne troqua jamais le treillis de soldat contre le costume de chef d’État. Son fils, Joseph, lui est en tous points dissemblable – au point que sa filiation est périodiquement mise en doute. Passionné de jeux vidéo (l’ambassadeur de France l’avait affublé du sobriquet de « Nintendo ») et de voitures de course, timide jusqu’au mutisme, il a pourtant réussi, grâce à la communauté internationale, à restaurer une paix ardemment désirée par ses compatriotes.
« Comme les pelures d’un oignon, la guerre du Congo se subdivise en plusieurs guerres ». Gérard Prunier nous les racontait avec son ébouriffante érudition, au risque de nous y perdre[2]. Le livre de J.K. Stearns n’est pas seulement une succession de vignettes sympathiques : il éclaire les ressorts et les rebondissements des deux guerres que connut successivement le Congo. La première débute en novembre 1996, quand les forces rwandaises arment la rébellion dirigée par Kabila, vident les camps de réfugiés hutus agglutinés à la frontière des Kivus et provoquent l’écroulement du régime honni du maréchal Mobutu huit mois plus tard. La seconde débute en août 1998, quand le nouveau chef d’État congolais se débarrasse de son trop encombrant parrain rwandais et ne doit qu’au soutien de ses alliés zimbabwéen et angolais de ne pas être renversé. En bon Américain, J.K. Stearns ne se satisfait pas du fatalisme qui entoure souvent les études congolaises depuis Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Plutôt que d’accumuler les vignettes macabres, il veut trouver une « explication rationnelle à un conflit chaotique ». La carence de l’État, mise en avant par l’auteur, en est peut-être une. Les tueries aux Kivus renvoient à un stade préléviathanesque, où « l’homme est un loup pour l’homme » : elles évoquent plus la guerre de Trente Ans que la Seconde Guerre mondiale. Or, la création d’un État hobbesien prend du temps. Le Congo en construira-t- il un rapidement ? L’absence d’esprit civique chez les dirigeants congolais, plus préoccupés de leur survie à court terme que du bien-être de leurs administrés, augure mal de l’avenir.

Yves Gounin

1. Dans le nu de la vie : récits des marais rwandais, Paris, Seuil, 2000 ; Une Saison de machettes, Paris, Seuil, 2003 ; La Stratégie des antilopes, Paris, Seuil, 2007.
2. G. Prunier, Africa’s World War: Congo, the Rwandan Genocide, and the Making of a Continental Catastrophe, Oxford/New York, Oxford University Press, 2009 (voir notre recension de l’ouvrage dans Politique étrangère, vol. 75, n° 4, hiver 2010).

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Obama’s Diplomacy with Iran

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Clément Therme propose une analyse de l’ouvrage de Trita Parsi, A Single Roll of the Dice: Obama’s Diplomacy with Iran (New Haven, CO et Londres, Yale University Press, 2012, 304 pages).

Cet ouvrage propose un éclairage novateur sur la diplomatie iranienne de Barack Obama. L’auteur est universitaire et président du National Iranian American Council (NIAC), organisation qui vise à défendre les intérêts de la communauté iranienne aux États-Unis. Il défend ici la thèse selon laquelle l’administration Obama n’a pas suivi la voie diplomatique jusqu’à son épuisement. Pour lui, les sanctions ne devraient être que le moyen périphérique d’une stratégie construite autour de l’impérieuse nécessité du dialogue pour sortir de l’impasse. Il insiste sur l’absence d’alternative à la voie diplomatique pour résoudre la question nucléaire iranienne.
Par ailleurs, l’auteur décrypte les différents canaux diplomatiques utilisés pour tenter de résoudre le différend entre l’Iran et la « communauté internationale ». Le récit ne se limite pas à un compte rendu des négociations bilatérales irano-américaines ou entre l’Iran et le groupe des 5 + 1 (les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies et l’Allemagne). Les négociations conduites entre l’Iran, la Turquie et le Brésil, qui ont abouti à l’adoption de la déclaration de Téhéran en mai 2010, sont également étudiées. La partie consacrée à la stratégie du Brésil de Luiz Inacio Lula da Silva sur le dossier nucléaire iranien permet de comprendre les motivations profondes de la diplomatie brésilienne : il s’agit d’user du dossier nucléaire iranien pour parvenir à la mise en place d’un ordre international plus démocratique, selon la terminologie diplomatique brésilienne.
De plus, l’auteur étudie minutieusement les rapports entre l’administration Obama et l’Union européenne (UE), avec une attention particulière apportée à la diplomatie française. À cet égard, il souligne que, si la majorité des États européens soutiennent la politique d’ouverture d’Obama vis-à-vis de l’Iran, Paris a dès le début manifesté ses doutes quant à la pertinence d’une telle stratégie. La France craignait alors qu’un assouplissement de la position américaine soit dommageable pour la réussite d’une diplomatie maintenant une approche équilibrée et combinant dialogue et sanctions. Ces réticences françaises s’expliquent, selon l’auteur, par la proximité entre Nicolas Sarkozy et George W. Bush sur la question nucléaire iranienne. Il était donc logique que la mise en œuvre par Washington d’une nouvelle politique pour sortir de l’impasse diplomatique soit désapprouvée par Paris.
Cet ouvrage s’adresse à un large public et mérite d’être lu avec attention. Il se fonde sur des sources de première main, avec de nombreux entretiens avec des négociateurs américains, européens et iraniens, ce qui lui permet de mettre en lumière différentes perspectives sur les processus de négociation. L’auteur rend compte des positions des pays arabes et d’Israël mais aussi de la Russie sur ce dossier. Enfin, il note que les réalités politiques internes iraniennes et américaines sont essentielles pour expliquer les échecs de ces négociations. En Iran, les fractures politiques internes nées d’une élection présidentielle contestée et, aux États- Unis, les pressions du Congrès sur Obama ne contribuent guère au rétablissement de la confiance entre les parties, une confiance pourtant indispensable à une résolution diplomatique de la crise.

Clément Therme

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Le programme nucléaire iranien

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Clément Therme propose une analyse de l’ouvrage de Bryan T. Hamilton, Taming Tehran: An Analysis of US Policies Targeting Iran’s Nuclear Program (Sarrebruck, Lambert Academic Publishing, 2011, 104 pages).

L’auteur poursuit un double objectif : développer une analyse rigoureuse des ambitions nucléaires iraniennes et proposer une alternative à la politique de sanctions et de menaces poursuivie par Washington afin de circonscrire les progrès nucléaires de l’Iran. Bryan T. Hamilton rejette les arguments contestant la rationalité économique du programme nucléaire, fondés sur l’hypothèse d’une contradiction entre la possession de réserves en hydrocarbures et la production d’électricité nucléaire. Cette défense du programme nucléaire iranien est pertinente, même si l’auteur ne mentionne pas le risque environnemental consécutif à la mise en service de la centrale de Bouchehr en août 2010.
Depuis 1979, l’élément structurant du comportement diplomatique américain est le déni d’accès de l’Iran aux technologies nucléaires. Dès 1982, l’administration Reagan décide de mettre en place un embargo sur l’exportation des technologies nucléaires vers l’Iran. L’administration Bush poursuit la politique initiée en 1982 avec l’interdiction de l’exportation des technologies de double usage (civil et militaire) vers l’Iran à partir de 1990. Le président Clinton apparaît comme celui qui clarifie la stratégie iranienne de Washington. Il affirme ouvertement que l’Iran ne peut avoir de relations commerciales normales tout en développant un programme d’armes de destruction massive (ADM). Cette politique du dual containment (Irak et Iran) a un coût économique élevé et ne permet pas d’empêcher que d’autres États soutiennent le programme nucléaire iranien (Russie, Chine, Afrique du Sud, Autriche et Ukraine). Aussi l’accélération des progrès nucléaires de l’Iran pendant l’administration Clinton se poursuit-elle sous l’administration Bush Jr. malgré le renforcement de la politique de sanctions unilatérales et les velléités d’isolement de l’Iran.
Concernant la stratégie iranienne d’Obama, il est nécessaire, selon l’auteur, d’éviter de légitimer le président Mahmoud Ahmadinejad par la confrontation : il faut répondre aux besoins sécuritaires et économiques de l’Iran pour endiguer son programme nucléaire. Pour ce faire, l’auteur propose une levée unilatérale des sanctions américaines, qui permettrait de responsabiliser le gouvernement iranien face à sa propre population quant à la détérioration des conditions économiques. Il propose que la diplomatie américaine reconnaisse le droit de l’Iran à posséder une capacité technologique nucléaire et la rationalité économique du programme nucléaire. Pour leur part, les Iraniens devraient alors faire preuve d’une transparence totale et répondre aux questions de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur leurs activités nucléaires passées.
L’auteur reconnaît que la finalité du programme nucléaire iranien est probablement la capacité d’assembler une arme nucléaire dans un délai de 30 à 90 jours. Mais à partir du constat de l’échec de la stratégie d’isolement et de sanctions des États-Unis, il propose une nouvelle stratégie diplomatique, selon lui plus efficace. D’aucuns n’hésiteront pas à qualifier de naïve la solution proposée, fondée sur l’intérêt des deux parties à coopérer, en particulier dans le secteur des hydrocarbures. Son principal mérite est pourtant d’ouvrir une nouvelle voie permettant de sortir la question nucléaire iranienne de l’impasse diplomatique.

Clément Therme

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Huffington Post : les armées face aux réseaux sociaux (PE 2/2012)

Le Huffington Post a mentionné, le 30 juillet dernier, l’article de Marc Hecker (chercheur à l’Ifri) et de Thomas Rid (Department of War Studies du King’s College de Londres), intitulé “Les armées doivent-elles craindre les réseaux sociaux?”, paru dans Politique étrangère 2/2012.

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