Cette recension est issue de Politique étrangère 1/2013. Vincent Bignon propose une analyse de l’ouvrage de Robert L. Hetzel, The Great Recession: Market Failure or Policy Failure? (New York, NY, Cambridge University Press, 2012, 400 pages).

00-HetzelCe livre est à recommander à tout lecteur cherchant à comprendre les causes de la crise financière actuelle et de sa durée. Il réussit la gageure de surprendre, d’apprendre beaucoup, tout en offrant un grand plaisir de lecture. Robert L. Hetzel combine avec brio une connaissance très précise des faits et de l’Histoire, un refus des explications simplistes et une discussion extrêmement claire sur les liens entre politique monétaire et bulle financière dans les années 2000. L’auteur ne blâme personne. Pourtant, le lecteur y gagne un sens aigu des (ir)responsabilités qui ont mené à la situation présente.
Le livre s’organise en 19 chapitres qui courent de la crise de 1929 aux leçons de la crise des subprimes pour la régulation du capitalisme. La lecture est aisée et plusieurs niveaux ou rythmes de lecture sont possibles. Chaque chapitre peut se lire indépendamment des autres, facilitant l’utilisation de l’ouvrage comme un mémo des événements récents. Le chapitre sur la participation des banques européennes – allemandes notamment – au marché des subprimes offre une description clinique des raisons pour lesquelles la crise fut d’emblée globale. Le chapitre présentant la crise de 1929 est une synthèse brillante des connaissances actuelles.
L’auteur défend ses convictions vigoureusement, mais sans mauvaise foi. La thèse principale tient en trois éléments. Premièrement, la bulle sur le marché du crédit a été entretenue par une politique fédérale américaine encourageant l’achat de logement par des ménages insolvables. Deuxièmement, le déclenchement de la crise en août 2007 vient de la prise de conscience des investisseurs que les produits structurés de type CDO – que l’on peut traduire par dettes mises en nantissement d’obligations financières – ou MBS – titres financiers synthétiques à base d’emprunts immobiliers – n’étaient pas des actifs monétaires sans risques. Troisièmement, tout comme en 1929, la longueur de la crise s’explique par des erreurs initiales commises dans la conduite de la politique monétaire entre août 2007 et la faillite de la banque Lehman Brothers en septembre 2008. La conclusion de l’auteur est sans appel. Alors même qu’en 2007 et 2008 les banques connaissaient de grosses difficultés de financement à cause de la fuite des investisseurs devant les outils de financement des produits structurés, les banques centrales ont rendu plus cher l’accès à la monnaie en réaction aux tensions inflationnistes créées par la hausse des prix du pétrole. La crise financière venait de se transformer en crise économique.
La thèse de l’auteur pourra paraître discutable aux lecteurs attentifs aux étiquettes. R.L. Hetzel se revendique monétariste. Mais son monétarisme ne correspond pas à la vulgate parfois entendue de ce côté de l’Atlantique. R.L. Hetzel renouvelle avec talent l’explication donnée par Milton Friedman et Anna Schwartz à la crise de 1929. Le lecteur européen est ainsi pris à contre-pied, pour son plus grand bien. L’auteur propose en effet une exploration intellectuelle rafraîchissante des rouages monétaires et financiers et fait ainsi comprendre une des raisons pour lesquelles l’œuvre de M. Friedman et A. Schwartz est toujours une référence intellectuelle outre-Atlantique.

Vincent Bignon

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