Sur Les Reflets du Temps, Martine L. Petauton livre son analyse du numéro d’automne de Politique étrangère.
Riche numéro de rentrée que celui-ci ! Inauguré par un brillant éditorial présentant l’état du monde après l’été mouvementé, s’il en fût, en géopolitique. Constat difficile : « rôle nouveau de la force, pouvoir illusoire des anciennes puissances, décalage des institutions internationales ». Survivre ? « un forum, intermédiaire entre le G redevenu 7, et le G 20 ; restaurer le concept de sécurité régionale, observer les quatre espaces sensibles que sont l’Europe après la crise russo-ukrainienne, le Moyen Orient, toujours, l’Afrique et l’Asie ».
Au moins quatre arrêts, selon moi, s’imposent dans cette revue d’automne ; en regrettant tout ce qui aurait pu en mériter d’autres. Le Contrechamps est consacré – naturellement après le terrible été – à Israël/Palestine. Deux articles forts : « la solution à deux États est encore possible », vue du versant Israélien, et « John Kerry au Proche-Orient : de la diplomatie de la faiblesse à la diplomatie de l’espoir ». Dans Repères, un remarquable article de François Gaulme éclaire la nécessité d’utiliser dans les relations internationales, et dans les conflits ouverts, l’anthropologie. S’appuyant sur l’exemple récent du Sud Soudan, aux prises avec le conflit Dinka/Nuer, il est démontré que les anthropologues pourraient avoir « une appréhension plus exacte de la réalité et une compréhension meilleure des logiques en jeu, car la science politique, comme la stratégie militaire, sont déroutées par des phénomènes obéissant à des mécanismes psychiques et sociaux sans rapport avec les grandes logiques du monde contemporain ».
Enfin, dans les livres recensés on ne peut que conseiller celui de Pascal Lamy, Quand la France s’éveillera, qui éclaire ce qu’est la mondialisation/Globalisation, face A, face B, en faisant un sort à plus d’un cliché ; sait dire ce qu’il faut sur le rôle de l’Europe à venir, et cible pour la France deux ou trois idée-force, ou, plus sérieusement, quelques chemins possibles (ou, conseils ?).
Le rôle titre de cette partition automnale, à l’Ifri, revient fort à propos à la Chine, dont le rang de Première Puissance mondiale tout fraîchement attribué, occupe actuellement les Une.
Y-a-t-il une nouvelle diplomatie pour ce géant ? On sait la longue et redondante position à l’intérieur de ses hauts murs, adoptée par ce que fut l’Empire du Milieu. Aujourd’hui, et notamment sous la direction de Xi, on a affaire à un « aller dehors » tous azimuts. La revue, en plusieurs articles d’experts, cible le repositionnement du pays dans les instances internationales, notamment économiques et financières, l’accélération d’un processus plus agressif, interventionniste en devenir ? en Mer de Chine méridionale, autour des revendications sur plusieurs îles, et insiste sur les particularités de la politique étrangère chinoise en matière d’importation de minerais et d’énergie. Chaque fois, la Chine apparaît comme le « petit nouveau », dont on ne saurait évidemment se passer, qui fait des premiers pas, de plus en plus assurés, à l’extérieur de chez elle. Peser dans le jeu international, va de pair, à l’évidence, pour elle, avec ses intérêts commerciaux et économiques. Mais, de plus en plus, un autre jeu – plus politique et en particulier, géopolitique – se laisse entrevoir.
C’est ainsi, de ses rapports avec l’ennemi ancestral, le partenaire dont on se méfie, le Japon. Un article de Céline Pajon, « le Japon d’Abe face à la Chine de Xi : de la paix froide à la guerre chaude », ouvre tout un pan de géopolitique orientale, peu ou pas connue de beaucoup d’entre nous, nous concernant pour autant fortement. Les relations sino-japonaises sont au plus bas. Descente appuyée de l’Ile du Levant dans le palmarès des puissances mondiales (le Japon n’est plus que la troisième force économique, et, comme le reste du monde, subit la concurrence du monstre voisin, dans sa consommation intérieure – 20% du commerce nippon se fait avec la Chine – comme dans la captation des clients lointains). Arrivés au pouvoir, dans le même temps, les deux leaders, Abe et Xi, ne se sont pas encore rencontrés. Froidure. Le « rêve chinois » de Xi semble bien s’opposer au « retour du Japon » mené par Abe. Deux nationalismes encore mezzo voce, sont face à face. Ils s’incarnent dans de bruyantes dissensions en Mer de Chine méridionale, autour des îles Sangaku-Diaoyu. « Guerre fraîche » en lieu et place de « paix froide », donnant lieu de la part du Japon, à des essais pour s’appuyer sur la scène régionale, sur d’autres pays, de l’Inde au Vietnam, et à se parer des atours de défenseur du libéralisme et de l’État de Droit. Face à une Chine qui hausse largement le ton, dans le domaine militaire (hommes et armement), le Japon agite sa carte nationaliste, en mettant en place « un diamant de sécurité », augmentant les orientations de sa politique de défense.
On observe donc plus, en ce moment, des variations plus que sensibles des orientations chinoises en termes de son « aller dehors », que la mise en place dangereuse d’un théâtre militaire en Extrême Orient. « Il est probable que Pékin multiplie les actions de diplomatie publique pour rassurer ses voisins. Il n’est pas certain qu’il ajuste le fond de sa politique régionale, guidé par une confiance profonde et pragmatique en l’influence géopolitique de l’attractivité économique ». Le commerçant précède encore le militaire…
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