Dans son numéro de printemps 2015, Politique étrangère « pose les bonnes questions sur la façon de relancer l’Europe de la défense ». C’est en tout cas l’avis d’Édouard Pflimlin, qui consacre un article à la dernière livraison de la revue (voir l’article original).

PE 2015C’est un pavé jeté dans la mare ! Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a proposé le dimanche 8 mars, la création d’une armée commune au sein de l’Union européenne.

Cette proposition a été accueillie avec un certain scepticisme en Europe alors que les budgets et les effectifs des forces de défense sont presque partout en baisse. Elle a pourtant le mérite de vouloir mobiliser citoyens et dirigeants européens autour d’un projet de relance de l’Europe de la défense.

C’est justement l’objet du dernier numéro de Politique étrangère, la revue de l’Institut français des relations internationales (IFRI), de s’interroger de façon pragmatique dans un dossier intitulé « La défense européenne revisitée », sur ce qui pourrait relancer les coopérations européennes de défense : coopérations bilatérales, coopérations « minilatérales » regroupant un nombre limité d’États membres autour d’objectifs capacitaires précis…

À l’Est de l’Europe, au Sud de la Méditerranée, sur le territoire même des Européens, les menaces s’accumulent. Face à cette situation, que peut dire une politique européenne de sécurité et de défense en panne ? À quelles conditions les coopérations de défense pourraient-elles redémarrer ?

Le dernier numéro de la revue de l’IFRI se pose les bonnes questions sur la façon de relancer l’Europe de la défense alors qu’en juin 2015 un nouveau sommet européen est consacré aux questions de défense, moins de deux ans après celui de décembre 2013.

Ces coopérations sont une des grandes tendances de ces dernières années en matière d’Europe de la défense. Hasard du calendrier, les ministres de la défense de la Suède, du Danemark, de la Finlande et de la Norvège ont signé le 10 mars une version mise à jour de l’accord de « Cooperation in the Defence Materiel Area ». Ce nouvel accord s’adapte aux directives de défenses européennes (directive sur les marchés publiques de la défense et directive sur le transfert d’équipement militaire). Ce nouvel accord rend possible la coopération dans plus de domaines concernant la défense et des contrats liés à l’industrie de la défense. Le ministre de la défense suédois et Président de NORDEFCO (Nordic Defence Cooperation) s’est dit « satisfait » de ce nouvel accord, qui est une « étape importante » pour plus de coopération… C’est un exemple de ces coopérations flexibles à un nombre réduit d’États que Politique étrangère pense être l’avenir de l’Europe de la défense.

Mais comme le soulignent dans un des quatre articles du dossier Ronja Kempin, chercheur senior à la Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP) et Ronja Scheler, assistante de recherche à la division de recherche UE/Europe de la SWP, si l’intégration différenciée est perçue comme une solution clé pour surmonter les désaccords entre États membres quant au niveau souhaitable d’intégration – l’exemple le plus connu, dans le domaine monétaire, étant celui de la création de la zone euro – et pour contourner les blocages d’une Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) à 28, son effet d’entraînement politique, et sur le renforcement des moyens, reste peu convaincant. La réinsertion de ces intégrations partielles dans la PSDC permettrait seule de dépasser les logiques juxtaposées des intérêts nationaux.

L’exemple de la coopération bilatérale entre la France et le Royaume-Uni après les traités de Lancaster House de novembre 2010 montre des avancées par exemple pour le développement de la technologie des drones ou la mise en place progressive d’une force expéditionnaire commune interarmées. Mais « force est de constater que les coopérations bi- ou multilatérales ne visent pas à générer un intérêt commun européen. Au lieu d’élaborer une vision stratégique et capacitaire pour toute l’UE, les États membres se limitent à sauvegarder des intérêts particuliers, voire nationaux », notent les deux experts.

Elles soulignent que « le chemin est donc encore long. Une intégration différenciée peut être bénéfique à l’intégration européenne en matière de sécurité et de défense à condition qu’elle s’insère dans le cadre formel de la PSDC.

Un retour aux modalités du traité de Lisbonne – signé en 2007 et entré en vigueur en 2009 – qui prévoient différents types de coopérations flexibles, la plus « connue » étant la « coopération structurée permanente », semble nécessaire pour avancer.

On pourrait cependant ajouter qu’une véritable relance de l’Europe de la défense passe par une volonté au plus au niveau politique. Souhaitons que les leaders politiques réunis en juin 2015 en retrouvent le sens.

Édouard Pflimlin

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