Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Marion Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Valéry Giscard d’Estaing, Europa. La dernière chance de l’Europe (XO Éditions, 2014, 188 pages).
À l’heure où l’Union européenne (UE) traverse une crise multiforme, Valéry Giscard d’Estaing propose aux dirigeants européens actuels et à venir un nouvel horizon pour leur continent. Son objectif est aussi de répondre au problème, crucial selon lui, de l’obésité de l’UE élargie et de faire de l’Europe une puissance dans le monde.
L’idée est de créer une nouvelle entité, Europa, « Union monétaire, budgétaire et fiscale, à l’espace homogène, dotée à terme d’un Trésor public et d’un mécanisme de solidarité financière ». L’auteur précise d’ailleurs que l’union monétaire existe déjà, tout comme l’union budgétaire grâce au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de mars 2012.
Dès lors, quels sont les aspects novateurs de la proposition de l’ancien président ? Il s’agirait pour lui d’aller plus loin dans l’unité de cette zone monétaire en l’accompagnant d’une union fiscale. Il suggère qu’Europa constitue un espace neutre fiscalement – à l’exception de la fiscalité locale – au sein duquel les entreprises et les citoyens acquitteraient les mêmes impôts sur les bénéfices, les revenus ou le patrimoine, quel que soit leur lieu d’activité et de résidence. Par ailleurs, alors qu’il récuse l’idée jugée « prématurée, et donc absurde » d’une mutualisation des dettes, l’auteur propose la création, à terme, d’un Trésor public afin d’émettre des emprunts communs au sein de la zone.
Ce nouveau projet, qui a le mérite de faire une proposition concrète pour l’avenir de l’UE, présente néanmoins des limites. D’une part, il demeure flou sur les contours de cette Europa, qui n’est en fait qu’une nouvelle version des différentes réflexions autour de la création d’un noyau dur. L’auteur évoque en effet à plusieurs reprises la zone euro comme base de cette union mais, lorsqu’il en détaille la composition, on y trouve les six pays fondateurs de la Communauté européenne, auxquels s’ajoutent l’Espagne, le Portugal, l’Autriche, l’Irlande si elle accepte l’égalité fiscale, la Finlande si elle le souhaite, et la Pologne « le moment venu », c’est-à-dire une fois qu’elle aura intégré l’euro. Cette liste est loin d’inclure tous les membres actuels de la zone euro, y manquent notamment la Grèce et les « nouveaux » États membres qui ont rejoint l’union monétaire. Dès lors, au cas où Europa et la zone euro seraient deux entités distinctes, se poserait la question de leur articulation, qui peut sembler problématique.
D’autre part, le projet de l’ancien président français se révèle relativement intergouvernemental puisqu’il dépouillerait la Commission européenne de son droit de demander des ajustements budgétaires aux États, droit qui serait conféré au Conseil de la zone euro, lequel deviendrait ensuite le directoire d’Europa, composé des chefs d’État et de gouvernement. L’auteur en profite d’ailleurs pour fustiger les dérives de la Commission dans les années 1960 et pour glorifier la création, à son initiative, du Conseil européen en 1974.
On peut à cet égard regretter que l’ouvrage, présenté comme une proposition pour l’avenir de l’Europe, ne consacre finalement qu’une trentaine de pages à celle-ci et préfère revenir sur les grandes lignes de l’histoire de sa construction ainsi que sur l’action conjointe de l’auteur et de son préfacier Helmut Schmidt en faveur de son unification voici 40 ans.
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