Laurent Marchand, éditorialiste pour Ouest France, consacre sa chronique « Tout un monde » à l’article écrit par Myriam Benraad dans le nouveau numéro de Politique étrangère, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire ».
Comme une masse liquide injectée dans le grand Proche Orient, les territoires conquis par le groupe État islamique fluctuent sur les cartes du renseignement international. Ce que ces cartes ne montrent pas c’est l’assise économique et financière qui explique la fulgurante montée en puissance de Daech et sa force de frappe. L’organisation pèserait environ 2 milliards de dollars. Dans le numéro d’été de Politique étrangère, la revue de l’Institut international des relations internationales, Myriam Benraad, chercheuse au CERI-Sciences-Po, se penche sur « les rouages économiques et financiers » et la précarité socio-économique qui régnait en Irak qui ont permis à Daech, « dès son émergence sur la scène irakienne à l’automne 2006, de conquérir un vaste territoire ». Elle décrit la mise en place de réseaux de contrebande qui « préexistaient au renversement même de Saddam Hussein ». Elle énumère les différentes sources d’enrichissement de l’organisation : trafics d’armes, de biens, d’œuvre d’art, exploitation du gaz et du pétrole, « méthodes de levée et de transfert de fonds extrêmement sophistiquées », attaques contre des dizaines de banques, racket, rançons, commerce avec les agents d’Assad…
Nous avons tous en tête désormais la rapidité de la montée en puissance de cette organisation nouvelle durant l’année 2014, à cheval entre la Syrie et l’Irak. On insiste moins d’ordinaire sur ses origines, y compris sous l’angle économique. Or, l’article de Myriam Benraad décrit très bien cette évolution depuis 2006. « Le marché noir d’hydrocarbures, de biens et d’armes est édifiant : les réseaux de contrebande passés sous le contrôle de l’État islamique d’Irak dès 2006, ne remontent pas à l’occupation étrangère ; ils préexistaient au renversement de Saddam Hussein qui en avait confié la gestion à certaines tribus loyales en échange d’un maintien de l’ordre dans des territoires qui, au temps de l’embargo, échappaient déjà à l’autorité de la capitale ».
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« Si l’on rapporte son mode d’action à celui d’Al-Qaïda, on constate que l’État islamique ne dérive pas ses revenus de dons extérieurs. Il les génère »… Myriam Benraad de poursuivre. « Dès les premiers jours, les djihadistes se sont dotés d’un « ministère » de l’Économie et d’un comité financier appuyés sur un réseau de sympathisants chargé de la collecte de fonds en Irak et à l’extérieur. »
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« En 2014, l’organisation aurait produit et vendu entre 30 000 et 50 000 barils de brut par jour, avec un revenu quotidien avoisinant les 850 000 dollars… »
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« L’agriculture vient parachever ce tableau, en particulier dans les plaines fertiles de la province irakienne de Ninive et les zones rurales qui entourent le sanctuaire syrien de l’État islamique, Raqqa, où les fermiers ont vu leurs récoltes de blé, de céréales, et leur bétail confisqués pour les affamer – surtout lorsqu’il s’agissait de chrétiens. »
« La mise sous contrôle d’usines entières de production agricole et de l’exploitation du phosphate et du soufre dans la province d’Al-Anbar en Irak, mais aussi du ciment à Deir Ezzor en Syrie, a généré des centaines de millions de dollars de revenus. »
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Myriam Benraad évoque enfin les limites à cette puissance économique de Daech, le fait notamment que la richesse des djihadistes n’a pas été réalloué aux populations civiles mais souvent captée par ses élites dirigeantes ou réinjectés dans des circuits mafieux.
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