Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Nish Acharya, The India-US Partnership: $1 Trillion by 2030 (Oxford University Press, 2016, 234 pages).

L’ouvrage de Nish Acharya, président de Citizence (entreprise de consulting international), est un plaidoyer pour l’approfondissement des relations économiques indo-américaines. Aujourd’hui, l’Inde n’est que le onzième partenaire commercial des États-Unis, alors que ceux-ci sont son premier client et son cinquième fournisseur. L’objectif affiché est ambitieux : passer, en 15 ans, de 120 milliards à 1 000 milliards de dollars d’échanges commerciaux et d’investissements entre les deux plus grandes démocraties du monde. Les moyens à mettre en œuvre sont nombreux et présentés dans les quatre chapitres du livre. Pour étayer son point de vue, l’auteur s’appuie sur 30 études de cas et 62 interviews de personnalités indiennes du monde académique et économique.

L’Inde est d’abord présentée comme un relais de croissance extraordinaire pour les entreprises américaines grâce aux nombreux consommateurs potentiels et aux opportunités d’externalisation insoupçonnées, liées en particulier à la maîtrise de l’anglais dans la population indienne diplômée. L’usage extensif du microcrédit par New Delhi est également susceptible d’inspirer les leaders économiques et politiques qui veulent réduire les inégalités aux États-Unis.

L’auteur défend un partenariat gagnant-gagnant, mais cherche surtout à attirer le savoir-faire et les capitaux américains pour assurer le décollage définitif de l’économie indienne. Il se félicite des investissements de long terme engagés par Walmart et Pepsi, tout en souhaitant que d’autres firmes multinationales leur emboîtent le pas. Il en appelle à des transferts technologiques en matière de défense, qui seraient contrebalancés par une ouverture du capital des entreprises indiennes à leurs homologues américaines. Plusieurs secteurs devraient bénéficier en priorité des financements américains : la santé, l’industrie pharmaceutique, les énergies renouvelables, la robotique, l’impression 3D, l’e-commerce, l’agro-alimentaire, ou la technique des drones appliquée à l’agriculture. Ces flux d’investissements requièrent la création de petites Silicon Valleys sur l’ensemble du territoire indien, idéalement dans les 50 villes de plus d’un million d’habitants. C’est la condition sine qua non pour que recherche et développement soient dignes d’un grand État émergent et ne stagnent plus à 0,9 % du PIB comme c’est le cas actuellement.

Implicitement, l’auteur regrette que le cadre institutionnel et politique indien soit un frein aux aspirations des milieux entrepreneuriaux. Pourtant, les sociétés qui ont déjà percé sont nombreuses : les géants Tata, Reliance et Infosys, mais aussi des start-ups prometteuses comme Tejas Networks et Flipkart. Le salut de l’Inde passe donc par des réformes intérieures de grande ampleur : accès généralisé aux soins de base, lutte contre la corruption et la bureaucratie, législations et régulations plus stables et transparentes, abandon des postures nationalistes, amélioration de la gouvernance des ONG et mise en place de synergies avec les agences de l’État. En complément, la diaspora indienne doit être mobilisée partout dans le monde, et bien sûr aux États-Unis.

Ce livre est riche en analyses microéconomiques et en recommandations. Son ton résolument optimiste tranche avec les poncifs habituels sur l’Inde. Mais les relations indo-américaines ne risquent-elles pas d’être mises à mal sous la nouvelle administration Trump ?

Norbert Gaillard

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