À l’occasion de l’anniversaire de l’armistice de 1918, nous vous invitons à relire le numéro spécial de Politique étrangère « 1914-2014. La Grande guerre et le monde de demain » publié en 2014 pour célébrer le 100e anniversaire de la Grande guerre.
« Nous avons vécu avec elle 100 ans durant. Qu’en faire maintenant ? La Première Guerre mondiale a créé son siècle, et elle nous parle toujours : de ce que nous sommes, de ce que nous serons.
Fondatrice d’un siècle : l’affaire est claire. Le débat sur les causes de la guerre reste ouvert aux polémiques et les publications récentes n’échappent pas au choc des arguments : facteurs politiques internes, dialectique des alliances et des appareils militaires, affrontement de géopolitiques organicistes voyant la vie des États comme expansion de puissance continue, etc. Mais l’analyse de la mécanique du passage de la paix au conflit armé est vite dépassée. Le premier conflit industriel et total du champ international a modelé notre vision de la guerre, de la mobilisation intégrale des sociétés, de la dynamique technique au service de la guerre. Il a créé un « système de guerre » nouveau, des formes opérationnelles et tactiques, des appareils armés qui fonctionnent jusqu’à nos jours. Il a ouvert une réflexion de long terme sur les rapports entre le politique et le militaire, non seulement en termes d’autorité, mais dans la définition même de la stratégie : est-elle manière de gagner la guerre ou de gérer un affrontement global – politique – qui la dépasse de beaucoup ?
Le premier conflit mondial pèse lourd dans l’affirmation des nations. Il dissout trois empires et porte au sommet le choc de visions nationales mises au service d’une révision des rapports de puissance, entre Royaume-Uni, Allemagne émergente, France… Il fait appel aux contingents de peuples colonisés qui, bientôt, mettront l’expérience au service de leur propre émancipation. Portant les nationalismes à incandescence – voir les débats sur l’« art allemand », l’« art français »… –, il manque faire disparaître l’idée même de nation dans l’opprobre de la guerre, en même temps qu’il amorce par ses ravages le déclin historique de toutes les nations européennes. Et pourtant, l’occasion de la guerre, de ses mobilisations économiques, sociales, morales, permet un renforcement des structures de chacun de ces États. Responsable de la conduite de la guerre, l’État moderne l’est aussi de la construction de la paix à l’extérieur des frontières, et il étend son contrôle interne à des champs de plus en plus larges de la société civile : le Welfare State européen naît de l’économie de guerre, puis de la nécessité de relever l’économie de la paix.
Les échanges économiques n’ont certes pas attendu le premier conflit mondial pour s’internationaliser. D’une certaine manière, le conflit est lui-même produit de la mondialisation de la fin du XIXe siècle qui met en cause les anciens rapports de puissance. Mais la Première Guerre mondiale débouche sur une redéfinition de l’ouverture des économies (voir les fameux « Quatorze Points » du président Wilson) qui campe au cœur du système international, où elle sera réinstallée, sous des apprêts neufs mais toujours très américains, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.
Pour que l’atroce conflit puisse être réputé « der des ders », il doit accoucher d’un nouveau système international et de références, de règles, permettant de le stabiliser. Pour dépasser le simple rapport des forces, l’idée d’organismes étatiques en développement et en compétition naturelle, ou un dialogue réduit aux plus puissants, il faut fonder le système sur la responsabilité des acteurs et sur le droit. C’est à l’issue de la Grande Guerre que l’on envisage, pour la première fois, de traduire en justice ceux qu’on accuse d’être responsables du massacre – projets concrétisés 30 ans plus tard à Nuremberg et à Tokyo. Et c’est ce même conflit qui pose les bases d’un système universel gérable, à travers les complexes montages des traités de la fin de la guerre et le beau nom de Société des nations. La SDN ne sera ni universelle ni efficace, mais l’idée de créer de la sécurité à travers des accords et des forums pérennes, le tout dans un système organisant une coexistence permanente, est née. […]
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