Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de David Hunter-Chester, Creating Japan’s Ground Self-Defense Force, 1945-2015. A Sword Well Made (Lexington Books, 2016, 312 pages).
Cette étude présente une histoire institutionnelle complète des forces terrestres d’autodéfense japonaises (JGSDF). David Hunter-Chester, colonel américain en retraite, a passé 20 de ses 26 années de carrière militaire dans des postes ayant trait au Japon. Il maîtrise la langue japonaise, et s’appuie sur de nombreux témoignages.
L’ouvrage suit un plan chronologique. Il s’ouvre sur les débats qui se sont déroulés dans l’administration américaine, au cœur de la Seconde Guerre mondiale, sur le sort à réserver à l’armée impériale japonaise. Après la reddition de leur pays, les dirigeants japonais ont fait le choix radical de renoncer constitutionnellement non seulement à la guerre mais aussi aux armes. Pourtant, seulement cinq ans après la capitulation, et le pays étant encore sous occupation américaine, le Japon débute son réarmement. Non sans une forte opposition des citoyens japonais, qui associent le militaire à la guerre, aux privations de liberté et au militarisme.
C’est le début de la guerre froide – et en particulier la guerre de Corée (1950-1953) – qui provoque le réarmement. La peur d’une invasion communiste du Japon est au plus haut. Mac Arthur ordonne la création d’une « force de police de réserve » de 75 000 hommes. La nouvelle organisation est formée et équipée par l’armée américaine, et revêt plus l’allure d’une unité militaire que d’une force de police. Pendant la deuxième moitié des années 1950, deux Premiers ministres japonais se font l’avocat de la refonte de la constitution japonaise, et d’une remilitarisation plus franche. Mais à la même époque, le terme « réarmement » a clairement pris une connotation négative auprès de la majeure partie de la population japonaise. De plus, la priorité politique va très nettement au développement économique. Pourtant, le Japon réarme.
La deuxième grande étape de l’histoire des JGSDF s’ouvre dans les années 1970. Elles deviennent alors une force moderne à haute technologie. La menace soviétique et les exercices réguliers avec les Américains sont les catalyseurs de cette transformation. Les JGSDF obtiennent des chars, des hélicoptères de combat, etc. En 1992, une nouvelle étape est franchie, avec l’autorisation de déploiement dans le cadre des missions de maintien de la paix de l’ONU. Les premières opérations de ce type permettent aux JGSDF de renforcer leur professionnalisme.
Mais c’est surtout la perception d’une Chine de plus en plus agressive qui provoque de nouvelles évolutions pour la défense japonaise. Après une dizaine d’années de diminution du budget de la défense, le renversement de cette tendance en 2013 est un symbole fort.
Aujourd’hui, l’armée japonaise est l’une des plus puissantes du monde. Toutefois, la fiction voulant que les forces d’autodéfense japonaises soient différentes des autres armées est maintenue. Cela passe notamment par une très forte participation, dès leur création, des JGSDF aux missions d’aide à la population. Le déploiement de 100 000 hommes lors de la catastrophe de Fukushima constitue d’ailleurs un modèle pour bon nombre d’armées dans le monde.
Avec ce livre très complet et détaillé, David Hunter-Chester nous offre certainement l’ouvrage de référence en anglais sur l’histoire des forces terrestres d’autodéfense japonaises. Une lecture indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à la défense du Japon.
Rémy Hémez
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