Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2017). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de B. A. Friedman, On Tactics: A Theory of Victory in Battle (Naval Institute Press, 2017, 256 pages).
A. Friedman, officier des Marines, étudie dans ce livre une matière trop souvent éclipsée par la stratégie : la tactique. Dans son premier chapitre, il aborde la question des relations entre la tactique et la théorie. Il souligne que la tactique est davantage un art qu’une technique. Certes, appliquer de grands principes augmente les chances de victoire. Il ne faut cependant pas perdre de vue la puissance des forces morales et l’irréductibilité de la chance au combat. Et surtout : l’ennemi a toujours son mot à dire. L’auteur dégage ensuite ce qu’il préfère appeler des préceptes (tenets) tactiques. Il les répartit dans les trois grands champs d’interaction avec l’ennemi : physique, mental et moral. À chaque fois, de nombreux exemples historiques viennent illustrer son propos.
Sur le plan physique, le plus évident et le plus classique, quatre grandes manières existent pour prendre l’avantage sur un adversaire. La manœuvre permet d’attaquer l’ennemi sur son point le plus faible. Face à une position défensive bien préparée, elle n’est cependant pas toujours possible. L’assaut frontal est alors la seule solution, comme pour les Britanniques face aux Argentins en 1982 à Goose Green. La masse est la concentration avantageuse de puissance de combat dans l’espace et/ou le temps. Savoir rester dispersé et ne se concentrer qu’au moment nécessaire est la clé du succès, au risque d’être détruit. La puissance de feu est, quant à elle, la combinaison du volume et de la précision. Son importance s’est accrue au fil des années. Enfin, le tempo est la capacité à agir plus vite que l’ennemi, ou encore à supporter plus longtemps un affrontement, bref à contrôler le rythme du combat.
L’avantage peut aussi être pris dans le domaine mental. Quatre préceptes sont ici mis en avant par l’auteur. La deception a pour but d’empêcher l’ennemi d’analyser correctement une situation. La surprise, elle, cherche à confronter l’adversaire à des événements auxquels il ne s’est pas préparé mentalement. La confusion, non retenue habituellement dans les principes de la guerre, est selon Friedman un phénomène essentiel, indépendant de la surprise et de la tromperie. Un moyen classique pour l’atteindre est de détruire les postes de commandement. Le choc est, lui, un état de surcharge cognitive causé par une action soudaine, inattendue ou répétée.
Enfin, en ce qui concerne la force morale, elle doit beaucoup aux chefs militaires de terrain et à la cohésion des unités. En dépit des progrès technologiques, elle n’a rien perdu de son importance. L’effondrement de l’armée irakienne face à Daech en 2014 nous le rappelle.
Dans une deuxième partie, beaucoup plus courte, l’auteur analyse des concepts tactiques clés : point culminant, offensive et défensive, ainsi que l’environnement et la géographie.
Friedman nous offre ici un traité de théorie tactique de grande qualité. La clarté de son style et la limpidité de son raisonnement sont remarquables, et son livre sera utile à ceux qui ont déjà une connaissance du sujet comme aux non-initiés. Pour les lecteurs qui veulent entrer dans les détails, Tactique théorique, du général Yakovleff[1], demeure la référence incontournable. Une référence qui, à notre connaissance, n’a pas d’équivalent en anglais, et mériterait d’être traduite.
Rémy Hémez
[1]. Cet ouvrage a fait l’objet d’une recension dans le numéro d’hiver 2007-2008 de Politique étrangère (n° 4/2007).
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