Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2018). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Christopher Hood et Rozana Himaz, A Century of Fiscal Squeeze Politics: 100 Years of Austerity, Politics, and Bureaucracy in Britain (Oxford University Press, 2017, 272 pages).

Christopher Hood et Rozana Himaz, tous deux chercheurs à l’université d’Oxford, présentent une étude remarquablement complète et pertinente de 100 ans d’austérité en Grande-Bretagne. La qualité de leur ouvrage repose sur un travail d’archives minutieux et une méthode d’analyse très rigoureuse. Considérant deux types possibles de politique d’austérité – celles qui augmentent le niveau des prélèvements obligatoires et celles qui réduisent les dépenses publiques –, les auteurs identifient 18 épisodes de rigueur budgétaire. Le premier remonte à 1916-1918, le dernier couvrant la période 2010-2015. Pour chaque épisode, les auteurs établissent une mesure qualitative du coût de l’austérité pour les citoyens, de ses effets sur la réputation de la majorité de l’époque, et du degré de consensus politique et social. Ils examinent également le contexte dans lequel ces programmes ont été instaurés, et rappellent leurs conséquences électorales.

De nombreuses conclusions sont tirées. Tout d’abord, rapportés au PIB, les plans de rigueur de la première moitié du XXe siècle sont particulièrement draconiens et concentrés dans le temps. En revanche, ceux décidés au cours des quatre dernières décennies – dépassant parfois les clivages partisans traditionnels – se caractérisent par un contrôle modéré des dépenses et un accroissement ciblé de la pression fiscale sur le moyen terme. Ensuite, il apparaît clairement que ces choix budgétaires ont des motivations très différentes selon les époques. En 1916-1918 et 1941-1945, il s’agissait de financer l’effort de guerre. Dans la foulée des deux conflits mondiaux, la hausse des impôts et les coupes dans les dépenses militaires visaient simplement à rééquilibrer les comptes publics. En 1931-1932, 1968-1969 et 1977-1978, l’austérité est une réponse à la dévaluation de la livre sterling. Les épisodes les plus récents (1993-2000 et 2010-2015) étaient quant à eux destinés à maintenir la compétitivité et la ­notation financière du pays.

Enfin, les plans de rigueur ont assez souvent (mais pas systématiquement) nui aux gouvernements qui les ont mis en place. En général, le revers électoral subi par la majorité sortante est d’autant plus cinglant que l’austérité a été décidée par des partis au pouvoir depuis déjà plus d’une législature, comme l’illustrent les défaites historiques des conservateurs en 1964 et 1997, et des travaillistes en 1979. À noter que les Tories sont surtout sanctionnés à la suite de hausses d’impôts, alors que le Labour paie cher sa volonté de réduire les dépenses. Les résultats les plus attendus concernent évidemment l’impact des politiques d’austérité sur la résorption de la dette publique et du déficit budgétaire. En fait, seule la moitié d’entre elles a atteint ses objectifs. Sans surprise, la rigueur s’avère contre-productive quand elle est menée en pleine récession ou durant une période de faible croissance (par exemple entre 1974 et 1981).

L’intérêt de ce livre va bien au-delà de ce que suggère son titre. Il permet au lecteur de mieux comprendre les choix de société qui ont été faits par les dirigeants britanniques depuis plus d’un siècle.

Norbert Gaillard

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