Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère
(n° 2/2018)
. Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa), propose une analyse de l’ouvrage de Christian Schubert, Der neue französische Traum. Wie unser Nachbar seinen Niedergang stoppen will (Frankfurter Allgemeine Buch, 2017, 320 pages).

La Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) est, on le sait, un très bon journal. On sait aussi que ce journal n’est pas insensible aux idées et positions que l’on peut classer à la droite libérale du spectre politique allemand. Si le correspondant économique de la FAZ à Paris depuis 2004 se livre à une analyse de l’évolution économique de la France durant ces deux ou trois dernières décennies, on ne s’étonnera donc pas que celle-ci soit plutôt critique. Pourtant, Christian Schubert ne se livre nullement à un French bashing gratuit, ni à une description misérabiliste de l’économie française. Bien au contraire, sur 320 pages il développe les forces et faiblesses économiques du principal partenaire et voisin de l’Allemagne, et donne à lire une analyse globalement équilibrée, qui en apprendra certes plus au lecteur allemand qu’au lecteur français. Mais celle-ci est intéressante dans la mesure où elle nous livre avec précision l’image que les milieux d’influence en Allemagne ont de la France.

Sans surprise, Schubert s’attaque d’abord à nos maux : la désindustrialisation, notamment dans le Nord et dans l’Est, les échecs consécutifs des politiques de l’emploi, la résignation face au chômage et notamment celui des jeunes et des seniors, sans oublier les « ravages » (selon l’auteur) provoqués par les 35 heures. Il consacre également des chapitres aux tensions dans les banlieues (y compris dans le contexte de la radicalisation islamiste), ainsi qu’au rôle des syndicats, au fort potentiel de nuisance mais peu représentatifs. Enfin, Christian Schubert ne travaillerait pas pour la FAZ s’il n’établissait un lien entre la politique budgétaire (systématiquement déficitaire depuis le début des années 1970) et la situation économique, et entre cette dernière et l’endettement public (17 % du PNB en 1981, presque 97 % du PNB en 2017).

Trois chapitres consacrés à l’histoire économique de la France depuis le XVIIe siècle permettent à l’auteur de souligner que le pays a d’abord inventé le libéralisme pour ensuite le rejeter, et à quel point les structures traditionnelles de l’économie française s’inscrivent dans la durée et le subconscient collectif de toute une nation. Mais ce constat ne le rend pas pessimiste pour autant quant à l’évolution future du pays. Le dernier tiers de l’ouvrage décrit avec précision les atouts de la France : une infrastructure qui n’a pas son égal en Europe, une formation des élites de très haut niveau (on aurait aimé que Schubert parle aussi de ceux qui n’en font pas partie). Un réseau de très grandes entreprises parfaitement intégrées dans les échanges mondiaux (mais Schubert évoque aussi les énormes difficultés des petites PME traditionnelles), une culture et une audace entrepreneuriales considérables, un exceptionnel savoir-faire technologique (notamment dans l’aéronautique), et surtout une e-economy s’appuyant sur des start-ups bénéficiant d’une vraie longueur d’avance sur leurs concurrents européens. Il ne manque donc plus qu’une force réformatrice pour éveiller ce potentiel. Et Schubert ne cache pas qu’il la voit s’incarner en Emmanuel Macron, élu à l’Élysée peu de temps avant la publication de cet ouvrage.

Hans Stark

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