Le 14 juin, Libération a publié un article, Cisjordanie : l’embarras des chancelleries arabes et européennes, dans lequel est cité l’article d’Elisabeth Marteu, « Les pays du Golfe et Israël : une convergence d’intérêts ? », publié dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n° 1/2020).
Si de nombreux pays de la Ligue arabe ou de l’Union européenne désapprouvent le projet de Nétanyahou, peu ont les moyens diplomatiques de l’exprimer au grand jour, et encore moins de concert.
Même s’ils continuent de soutenir la solution à deux Etats dans le respect des résolutions de l’ONU, ni les pays arabes ni l’Europe n’ont les moyens de s’opposer à l’annexion par Israël de pans de la Cisjordanie. Car, tout contraire qu’il soit au droit international, ce projet est le premier fruit du plan Trump pour la paix au Proche-Orient. Par crainte de compromettre leurs relations compliquées, mais nécessaires, avec Washington, Arabes et Européens réaffirment leur position de principe et alertent les Israéliens des risques de dégradation de leurs relations de coopération.
Quelle réaction des pays arabes ?
Par une opération de communication comme il les affectionne, l’influent ambassadeur des Emirats arabes unis à Washington, Yousef al-Otaiba, a appelé vendredi Israël à renoncer à son projet d’annexion, au risque de compromettre une « normalisation » des relations avec les pays arabes. La tribune, publiée en hébreu à la une du quotidien israélien Yediot Aharonot, est une première pour un diplomate arabe, qui de surcroît a rang de ministre dans son pays, le plus engagé dans le rapprochement avec Israël. Venant de la part d’un homme connu pour sa proximité avec l’administration et la famille Trump, partisan du plan du président américain pour la paix au Proche-Orient, l’avertissement à Israël paraît sévère. Or, « le plus incroyable, c’est combien la barre a été abaissée », relève l’éditorialiste israélien Anshel Pfeffer dans Haaretz, rappelant que « l’exigence d’un Etat palestinien n’est plus le prix » réclamé par les Arabes.
Depuis près de vingt ans, le consensus adopté par les pays arabes conditionne l’établissement de relations avec Israël à la création d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Ces conditions ont été réitérées en février lorsque la Ligue arabe a rejeté « l’accord du siècle américano-israélien, étant donné qu’il ne respecte pas les droits fondamentaux et les aspirations du peuple palestinien ». Jeudi, le secrétaire général de l’organisation a mis en garde Israël, considérant « l’annexion de toute partie de la terre palestinienne comme une agression contre les nations arabes et islamiques, compromettant toute possibilité de paix dans la région pour les prochaines décennies ».
Mais si la rhétorique du soutien « aux droits inaliénables » des Palestiniens perdure, il y a longtemps que la question palestinienne n’est plus «la cause centrale arabe», selon la formule consacrée.
Les bouleversements dans la région depuis les soulèvements de 2011, suivis des guerres civiles, émergences terroristes inédites ou autres conflits, ont imposé de nouvelles priorités à l’ensemble des pays arabes, reléguant le conflit israélo-palestinien à une moindre préoccupation. L’expansion politique et militaire de l’Iran sur les différents terrains de guerre a attisé les craintes des pays du Golfe, lesquels ont trouvé en Israël un allié objectif et proactif. Or, ces pays arabes longtemps désignés comme «modérés» du fait de leurs bonnes relations avec les Etats-Unis, pouvaient exercer dans le passé leur influence diplomatique auprès de Washington sur le dossier palestinien. Mais avec leur nouvelle obsession anti-iranienne partagée par Donald Trump, ils ont encouragé et applaudi celui-ci quand il a déchiré l’accord nucléaire avec Téhéran.
« Les pays du Golfe ont montré à quel point ils étaient complaisants avec l’administration américaine », écrit Elisabeth Marteu, dans la revue Politique étrangère de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Dans un article sur la « convergence d’intérêts » entre les pays du Golfe et Israël, la chercheuse souligne : « Soit parce qu’ils cherchent à satisfaire leur allié occidental, soit parce qu’ils sont lassés de la question palestinienne (ou les deux), ils n’arrivent plus à cacher leur envie d’en finir avec ce vieux conflit qui ne leur semble plus prioritaire au Moyen-Orient. » […]
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