Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2020). Mohammad-Reza Djalili propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Clément Therme, L’Iran et ses rivaux entre nation et révolution (Passés composés, 2020, 208 pages).
Clément Therme, spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Iran, réunit ici une dizaine de contributions consacrées à la diplomatie de la République islamique, une diplomatie à la fois islamiste, chiite et révolutionnaire.
Après une brève et éclairante introduction, les trois premiers chapitres sont consacrés aux relations de l’Iran avec les États-Unis, la Chine et la Russie. Le texte d’Annick Cizel, « L’obsession iranienne : les États-Unis au défi des (dés) équilibres régionaux », analyse la politique de Trump à l’égard de Téhéran, la volonté de celui-ci de défaire l’héritage de son prédécesseur, et sa politique de sanctions destinées à isoler, voire à renverser, le régime islamique. La contribution de Thierry Kellner, « La Chine : vers une intégration de l’Iran dans la sphère d’influence de Pékin ? », voit en l’Iran un partenaire, sinon un allié de Pékin qui, en l’absence d’alternative, est contraint à se tourner de plus en plus vers la Chine. Le troisième chapitre, « La Russie dans la politique régionale de l’Iran : allié ou concurrent ? » – de Clément Therme – fait le constat que, tout en étant cobelligérants en Syrie, Téhéran et Moscou ne sont pas alliés sur le plan régional.
Les quatre chapitres suivants sont plus centrés sur les dimensions régionales de la politique iranienne. Après une étude de Hayk A. Martirosyan « L’Iran et le Caucase du Sud : la prudence de Téhéran », le chapitre de Massoud Sharifi Dryaz « État et minorités en Iran : les enjeux de la question kurde », évoque la question de la relation entre l’oumma et la nation, que pose l’arrivée du clergé au pouvoir en Iran. Au chapitre 6, « La Turquie et l’Iran : deux navires amiraux dans la tempête du Proche-Orient », Michel Duclos met en évidence le rôle et l’impact des deux anciennes puissances régionales. Élisabeth Marteu traite dans le chapitre 7, « L’Iran vu d’Israël : de la doctrine de la périphérie à la menace existentielle », de l’évolution de l’image d’un Iran perçu jusqu’en 1979 comme proche, à celle d’un pays désormais présenté comme une menace existentielle.
Avec le chapitre 9, « La France, l’Iran et la prolifération nucléaire », François Nicoullaud livre une étude stimulante sur la relation tourmentée, mais jamais indifférente, de la France et de l’Iran. Le chapitre 10, « Les relations Iran-Arabie saoudite : la rivalité structurante » de Louis Blin, analyse les relations entre les deux États riverains du golfe Persique, l’un chiite et l’autre sunnite. Les deux derniers chapitres sont consacrés à des régions plus éloignées. Les relations contrastées entre l’Amérique latine et l’Iran sont analysées par Élodie Brun ; quand Marc-Antoine Pérouse de Montclos s’attache à la politique de « l’Iran en Afrique subsaharienne ».
La publication de cet ouvrage, qui rassemble des textes de qualité et évoque un grand nombre de problématiques, est bienvenue : elle contribue à une meilleure évaluation de la politique extérieure d’un important pays du Moyen-Orient, et dont certains aspects restent mal connus, particulièrement dans le monde francophone. Un regret cependant : on aurait aimé lire une ou deux contributions sur les pays d’Asie centrale et du sous-continent indien, dont les liens avec l’Iran ne sont pas négligeables, tant sur le plan historique que géopolitique.
Mohammad-Reza Djalili
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