Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère 
(n° 3/2020)
. Marc Hecker, rédacteur en chef de Politique étrangère, propose une analyse de l’ouvrage de Pierre-Antoine Donnet, Le leadership mondial en question. L’affrontement entre la Chine et les États-Unis (Éditions de l’Aube, 2020, 236 pages).

Pierre-Antoine Donnet a été rédacteur en chef central de l’Agence France-Presse, et correspondant à Pékin et New York. Son nouvel ouvrage a été écrit, pour l’essentiel, avant l’apparition du COVID-19, mais les dynamiques qu’il analyse n’en sont pas pour autant dépassées. Au contraire, la crise sanitaire et ses conséquences dans de nombreux domaines ne devraient rendre que plus vive la problématique centrale de ce livre : la lutte entre la Chine et les États-Unis pour la suprématie mondiale.

L’auteur procède méthodiquement, passant en revue plusieurs champs d’affrontement entre les deux superpuissances. L’économie, le commerce, la défense, le spatial ou encore la haute technologie font ainsi l’objet de chapitres dédiés. Un autre chapitre est consacré à la compétition géostratégique entre Washington et Pékin, que l’auteur qualifie de « grand partage du monde ». Les stratégies régionales des États-Unis et de la Chine y sont rappelées en une trentaine de pages, et illustrées de nombreux exemples. L’effort de synthèse est louable, mais peut donner l’impression d’un tour d’horizon trop rapide.

Chiffres et statistiques permettent de mesurer l’ampleur de la pénétration chinoise dans les pays du Sud, certains États se retrouvant pris au piège d’une dette grandissante à l’égard de Pékin. Dans la partie consacrée au projet des Nouvelles routes de la soie, le cas du Sri Lanka, incapable de rembourser ses dettes, est notamment évoqué. Les dirigeants chinois n’ont accepté d’effacer l’ardoise de Colombo qu’en échange de la prise de contrôle du port en eau profonde de Hambantota. Cette opération « a permis à la Chine de prendre pied dans l’océan Indien, à quelques centaines de miles de l’Inde, son adversaire historique ». Plus près de nous, Pékin s’intéresse aussi aux ports de Méditerranée, comme en témoignent les accords conclus avec la Grèce en 2016 et l’Italie en 2019.

Le dernier chapitre est consacré aux faiblesses de la Chine qui pourraient constituer des freins à son ascension. La dette en fait partie : elle a été multipliée par quatre entre 2008 et 2016, et avoisinerait les 300 % du produit intérieur brut. Au nombre des autres difficultés mentionnées, la démographie : les conséquences de la politique de l’enfant unique vont se faire sentir à long terme, et le vieillissement de la population risque de devenir un « casse-tête pour les caisses de l’État ». La question du mécontentement d’une partie de la population n’est pas éludée, l’auteur soutenant que « la stabilité sociale en Chine n’est pas celle que l’on croit ». Il finit par s’interroger sur la capacité des dirigeants chinois à faire perdurer le régime communiste et, au-delà, à permettre à leur pays de dominer les États-Unis. Se gardant bien de répondre directement à la question, il laisse la parole à différents experts dont les avis ne manquent pas de diverger.

« Ma crainte, c’est que le monde d’après ressemble au monde d’avant, mais en pire », déclarait Jean-Yves Le Drian, alors que le COVID-19, parti de Chine, gagnait l’ensemble de la planète. Ce livre ne rassurera pas ceux que cette remarque a inquiétés. Il constitue une bonne introduction à la géopolitique du « monde d’après ». Il n’est pas destiné aux spécialistes, mais pourra donner des clés de compréhension utiles à un large public.

Marc Hecker

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