Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n° 3/2020). Victor Magnani propose une analyse de l’ouvrage de Carien du Plessis et Martin Plaut, Understanding South Africa (Hurst, 2019, 316 pages).

Carien du Plessis et Martin Plaut proposent ici un ouvrage de vulgarisation au titre ambitieux, supposé permettre la compréhension de l’Afrique du Sud. Comprendre un pays si vaste, riche et divers en moins de 350 pages est un pari osé.

Journalistes de formation, ils font un usage récurrent de l’anecdote pour soutenir certains propos, plutôt que de faire reposer l’analyse sur l’abondante littérature scientifique existante. Par ailleurs, leur bienveillance à l’égard de l’ancienne leader du principal parti d’opposition, Helen Zille, qui avait vanté les externalités positives de l’apartheid, leur déconsidération des récentes mobilisations étudiantes qui réclamaient la décolonisation des enseignements, ou encore les nombreuses citations de Gareth Van Onselen, éditorialiste de la droite libérale, interrogent la neutralité de leurs argumentations.

Si l’ouvrage est à l’évidence insuffisant pour « comprendre » l’Afrique du Sud, il peut pourtant s’avérer utile pour un lecteur non familier du pays qui souhaiterait en saisir certains enjeux. Les chapitres abordent les grandes thématiques de l’Afrique du Sud contemporaine : la corruption, la question foncière, la situation économique, la justice, etc. La plupart de ces chapitres donnent un aperçu concret et référencé (une bibliographie complète par thématique aurait néanmoins été bienvenue). Ils n’évitent toutefois pas la généralisation, et certaines thématiques sont traitées de manière superficielle. Ainsi, dans la partie historique, plusieurs siècles de l’histoire précoloniale sont quasiment éludés, alors que la guerre des Boers est traitée sur plusieurs pages. Les parties suivantes, sur l’African National Congress (ANC) et l’opposition, souffrent d’une approche événementielle de l’histoire, qui conduit les auteurs à accumuler dates, événements et noms de personnages historiques, sans que nulle mise en perspective ne permette de saisir les nuances et les dynamiques sociales de l’évolution du pays.

On s’étonne également que la partie sur l’éducation n’aborde pas la question des langues, dans un pays qui compte onze langues officielles. Celle sur « la violence politique dans une société violente » se concentre essentiellement sur ce que les auteurs considèrent comme de la violence politique (la mobilisation des ressources étatiques par le parti au pouvoir), et omet de proposer au lecteur des clés de compréhension des ressorts de la violence dans la société elle-même, ainsi que d’évidentes continuités avec la période d’apartheid.

Le rôle de l’Afrique du Sud comme puissance africaine, sur le continent et dans les relations internationales, ne fait pas partie des thématiques que les auteurs ont jugé utile de traiter. Il en va de même pour l’état du système de santé, qui permet pourtant d’éclairer certaines spécificités du développement de l’Afrique du Sud contemporaine. Cela est d’autant plus regrettable que, depuis la publication de cet ouvrage, l’épidémie du COVID-19 a eu des impacts sanitaires et sociaux-économiques considérables en Afrique du Sud. Le pays, déjà en difficulté économique avant la crise, risque de subir des chocs violents, qui reconfigureront un certain nombre de dynamiques déjà à l’œuvre.

Bien des aspects abordés dans cet ouvrage devront ainsi être complétés par de nouvelles perspectives et de nouvelles approches. Mais c’est bien l’accumulation et la confrontation de celles-ci qui doivent permettre à chacun d’envisager une meilleure compréhension de l’Afrique du Sud.

Victor Magnani

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