Le 8 décembre dernier pour L’Express Éric Chol et Charles Haquet ont reçu le diplomate Martin Briens et Thomas Gomart, directeur de l’Ifri, qui ont publié l’article « Comment préparer 2050 ? De la ‘prévoyance’ à la ‘grande stratégie’ », publié dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n° 4/2021).
Contrairement aux superpuissances américaine et chinoise, qui disposent d’outils de prévision très performants, la France – et l’Europe – ne réfléchissent pas assez à long terme. Si nous voulons préserver notre modèle et rester dans la course technologique, il faut engager dès maintenant ce travail. Au sein de l’État, bien sûr, mais aussi avec les instituts de recherche et les autres acteurs de la vie publique.
L’Express. En France comme en Europe, il y a urgence, dites-vous, à penser le long terme. Mais en sommes-nous encore capables ?
Martin Briens : Il est aujourd’hui difficile, pour les systèmes démocratiques, de sortir du calendrier électoral. L’action publique s’inscrit dans une instantanéité qui n’a cessé de s’accentuer au fil des années. D’où la nécessité de nous projeter sur une échéance longue, que nous avons fixée à 2050. Pourquoi cette date ? Certains pays – et en premier lieu la Chine – se projettent déjà à cette échéance. Cela parait loin, 2050, c’est une génération, mais en termes de politiques publiques, c’est demain. L’un des intérêts de la réflexion que nous proposons d’ouvrir, c’est que, dans certains domaines comme l’énergie, la décarbonation ou la défense, se projeter à 30 ans nécessite de prendre des décisions dès maintenant. Si nous ne le faisons pas, nous serons affaiblis en 2050.
Par exemple ?
MB : En février dernier, a été dévoilé un projet de sous-marin de troisième génération, dont le premier exemplaire sera mis en service en 2036, et dont le dernier restera opérationnel jusqu’en 2080-2090. Imaginez les défis que représente ce programme en termes de gestion des compétences et de technologies, mais aussi dans notre capacité à anticiper l’évolution des menaces. De la même manière, c’est maintenant que doivent être prises les grandes décisions pour faire évoluer le mix énergétique à l’échéance 2050.
Comment élaborer une « grande stratégie » ?
MB : Il faut déjà définir les mouvements de fond. Quatre semblent décisives à cette échelle de temps : les transformations environnementales, subies ou décidées, qui auront un impact profond ; l’accélération technologique, en particulier l’accentuation de la numérisation du monde ; la fragmentation politique et sociale ; et enfin les possibles évolutions géostratégiques, avec le rôle vraisemblablement central du rapport de forces sino-américain. À partir de là, le défi est d’élaborer des stratégies de long terme, opérationnelles et intégrées, et d’organiser l’État, l’action publique, mais aussi d’encourager l’action privée, pour parvenir à ces objectifs.
Thomas Gomart : Une « grande stratégie », c’est un discours sur la manière dont un pays conçoit son rôle dans le monde. C’est aussi un outil de conduite politique. Elle correspond à une mise en cohérence, sur le long terme, des mesures économiques, des actions diplomatiques et des efforts militaires pour promouvoir ses intérêts et ses valeurs. C’est un effort d’intégration des moyens disponibles, qui ne se limite pas à la défense et à la sécurité. […]
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