Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Nadia Picon propose une analyse de l’ouvrage de Jussi M. Hanhimäki, Pax Transatlantica: America and Europe in the Post-Cold War Era (Oxford University Press, 2021, 208 pages).
Cette analyse des relations transatlantiques post-guerre froide par un expert signalant sa double nationalité finlando-suisse séduit par son optimisme.
L’auteur ouvre sur le paradoxe d’une relation transatlantique à la fois forte et traversée de nombreux conflits internes. Les désaccords au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) sont d’ordre économique (contributions budgétaires), sécuritaire (cf. la crise de Suez en 1956) et politique (opposition entre la Grèce et la Turquie), mais ils ont toujours renforcé l’Alliance. La sortie de la France du commandement militaire intégré en 1966 déclencha ainsi un changement de stratégie bénéfique, l’OTAN, alliance militaire, se faisant plateforme de dialogue politique entre membres sur la question soviétique.
Le chapitre suivant décrit le rôle international croissant de l’OTAN après 1991. Des Balkans à l’Afghanistan, les campagnes ont, en dépit des critiques, renforcé l’unité transatlantique. Le chapitre 3 analyse une intégration transatlantique qui a créé le plus grand marché économique au monde, fondé principalement sur les transferts de fonds d’investissement. Nouveau paradoxe : cette intégration économique augmente le risque de conflits commerciaux. Le chapitre 4 s’attache aux évolutions politiques des deux rives de l’Atlantique. L’auteur les juge similaires, qu’il s’agisse du populisme depuis 2016 ou, précédemment, des politiques centristes de « troisième voie » (initiées par Bill Clinton). Le dernier chapitre suit les relations transatlantiques pendant l’épidémie de Covid-19.
Pour Jussi Hanhimäki, la coexistence du conflit et de l’unité est la caractéristique principale de la Pax Transatlantica. Bien que les Européens et les États-Unis n’aient pas la même vision de l’OTAN (protection contre la Russie pour les premiers, contre la Chine pour les seconds), tous se rejoignent dans leur désir de la renforcer. L’auteur détruit au passage certains mythes : la communauté transatlantique n’a ainsi jamais constitué un espace économique purement néolibéral, elle encadre des dépenses de l’État élevées et le maintien de services publics importants, des deux côtés de l’Atlantique. Le cliché des Européens antiaméricanistes doit aussi être relativisé : leurs critiques reflètent le plus souvent celles qu’expriment les citoyens américains eux-mêmes. À propos de la Russie, l’auteur met en avant les efforts d’inclusion de cette dernière, réalisés avec le Conseil de coopération nord-atlantique en 1991, le Partenariat pour la paix en 1994, ou le Conseil OTAN-Russie en 2002.
L’auteur évite toutefois l’écueil de l’utopisme : concernant l’intégration économique, il rappelle les dérives violentes du néolibéralisme, la montée des inégalités économiques et la fin du libre-échange liée à l’échec du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (c’est ici que l’auteur ne distingue pas toujours suffisamment entre les relations OTAN et les relations hors-OTAN, signe sans doute de leur forte imbrication). Il souligne également la difficulté permanente à maintenir l’équilibre entre intégration et autonomie.
La guerre en Ukraine, et le renforcement inattendu de l’Alliance atlantique qu’elle provoque, imposent à cet ouvrage un certain décalage. Les critiques de l’auteur à l’encontre de Joe Biden, peu apte à renouveler l’Alliance parce qu’il serait plus attaché à l’idée de la continuité de la relation, n’ont ainsi plus lieu d’être.
Nadia Picon
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