Le numéro de printemps 2023 de Politique Étrangère est tout juste paru ! Nous avons le plaisir de vous offrir en accès libre l’article « Quel avenir pour le trumpisme », écrit par Maya Kandel, docteure en histoire de l’Institut d’études politiques de Paris, chercheuse associée à l’université Sorbonne Nouvelle.
L’avenir du trumpisme et le destin de Donald Trump sont deux facteurs inséparables de l’évolution du Parti républicain américain, même si les trois termes – Trump, trumpisme, Parti républicain – ne se confondent pas. Le trumpisme désigne les idées fortes de Trump qui se sont imposées au Parti républicain après sa victoire aux primaires et à la présidentielle de 2016. Il englobe la réactivation de courants préexistants et leur amplification grâce au porte-voix que constitue la présidence, au fil Twitter et au talent de communicateur de Trump, ainsi qu’à la symbiose entre la Maison-Blanche et Fox News durant sa présidence.
Trump a ainsi réussi à mobiliser des électeurs qui, traditionnellement, ne votaient pas. Son accession à la présidence représente l’ascension et la victoire d’une aile populiste, nationaliste chrétienne, anti-immigration et isolationniste. Cette aile avait été incarnée, depuis la fin de la guerre froide, par Pat Buchanan – qui avait porté un sérieux défi à George Bushpère lors des primaires républicaines de 1992 –, puis en 2008 par la présence de Sarah Palin à la candidature à la vice-présidence (avec John McCain) et par le mouvement Tea Party, né en 2009 après la victoire de Barack Obama.
S’il y avait eu des courants similaires dans le passé, ils n’avaient jamais accédé au pouvoir : Richard Nixon et Ronald Reagan les avaient flattés pour obtenir leurs votes, mais en les ignorant et en les maintenant aux marges une fois au pouvoir. L’élection de Trump en 2016 est donc bien un tournant historique pour les États-Unis par l’arrivée de ces courants à la Maison-Blanche. Loin d’être domestiqué ou digéré par le système, Trump a gouverné comme il avait fait campagne : en divisant, en attisant les haines, en donnant un porte-voix à ces courants et en adoubant les plus extrémistes, des suprémacistes blancs (Charlottesville) aux milices (Proud Boys). Le Parti républicain, qui reprenait la présidence et le Congrès, s’est finalement rallié à Trump – à quelques exceptions près, comme John McCain, décédé en 2018.
L’assaut du Capitole en 2021 marque une étape cruciale pour le trumpisme, le Parti républicain et peut-être Trump lui-même. Pour le Parti républicain, le 6 janvier aurait pu constituer une rupture – et cela a semblé d’abord être le cas, avec beaucoup de condamnations chez les élus et dans l’opinion. Les critiques ont toutefois été de courte durée. Seuls dix Républicains à la Chambre des représentants ont voté pour la destitution dans le second procès tenu après les événements du 6 janvier ; et la plupart d’entre eux ne siègent plus aujourd’hui au Congrès. Autre vote à rappeler : au soir même du 6 janvier, après l’assaut, 147 Républicains ont voté contre la validation de la victoire de Biden ; parmi ces derniers, ceux qui se sont représentés ont quasiment tous été réélus et de nouveaux élus remettant en cause l’élection de 2020 les ont rejoints. Deux ans après les faits, l’immense majorité des élus républicains a repris à son compte non seulement le mensonge de Trump sur une élection prétendument volée, mais encore l’ensemble des grandes lignes, idéologiques et tactiques, qui définissent le trumpisme.
Trump a lancé sa campagne pour 2024 juste après des midterms désastreuses pour son image, puisque les candidats qu’il avait personnellement investis – comme Mehmet Oz en Pennsylvanie, Herschel Walker en Géorgie ou Kari Lake en Arizona – ont échoué dans des élections qui s’annonçaient pourtant comme une « vague républicaine ». Le mensonge sur les élections de 2020, la qualification du 6 janvier (coup d’État manqué ou « simple visite touristique ») ainsi que les guerres culturelles contre un « ennemi intérieur », qualifié de wokisme et assimilé à l’ensemble du Parti démocrate, définissent aujourd’hui le Parti républicain. La Cour suprême que Trump a contribué à remodeler conserve sa toute-puissance. Enfin, la constellation « conservatrice », qu’il serait adéquat de qualifier plutôt de « nouvelle droite », est l’héritière de Trump, même si beaucoup aimeraient tourner la page.
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Retrouvez le sommaire du numéro de printemps de Politique étrangère (n° 1/2023) ici.
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