Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2023 de Politique étrangère (n° 4/2023). Guillaume Garnier propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Olivier Forcade, La France et l’OTAN depuis 1989 (Sorbonne Université Presses, 2023, 288 pages).

Cet ouvrage collectif fait suite au colloque des 19 et 20 novembre 2021 co-organisé par la société des Cincinnati de France, la fondation The First Alliance et Sorbonne Université. Sous la direction d’Olivier Forcade, il recueille des analyses pluridisciplinaires.

Il peut, à première vue, revêtir l’inconvénient de rassembler des réflexions propres à un événement (le colloque) situé juste en amont de l’offensive russe en Ukraine. Toutefois, la qualité des intervenants (militaires, diplomates, juristes, historiens) et la réactualisation de certaines interventions avant la parution de l’ouvrage lui donnent une profondeur d’analyse historique mais aussi une densité d’expertise, toujours nécessaire à la compréhension des événements d’actualité, ou à tout exercice prospectif.

Parmi les données fondamentales de cette relation complexe France-OTAN, certains rappels sont bienvenus, alors que ce sujet fait régulièrement l’objet d’instrumentalisations politiques sur le plan intérieur. C’est bien la France et le Royaume-Uni qui, au sortir du second conflit mondial, firent appel aux États-Unis, alors très réticents, pour forger une alliance de défense collective. François David rappelle aussi, à juste titre, que le fameux article 5, pierre angulaire de l’Alliance atlantique, est en fait beaucoup plus souple qu’il n’y paraît, puisque rédigé de manière ouverte, sans préciser si l’aide apportée à un État membre agressé doit nécessairement être militaire… Il interroge opportunément la capacité réelle de l’appareil militaire français à être engagé dans un conflit de haute intensité.

Hubert Védrine, comme nombre d’auteurs, revient sur l’idée fixe de la France de construire une « défense européenne ». Il précise que les autres États européens ne la suivent pas dans ce projet, préférant la garantie de sécurité américaine et considérant la vision française comme plus fragile. Hubert Védrine dresse d’ailleurs une perspective plutôt amère dans sa conclusion. Du coup, si Serge Sur parle de « soumission européenne » orchestrée par les États-Unis, celle-ci est non seulement consentie, mais expressément assumée par les amis de Paris qui préfèrent s’en remettre au primus inter pares. Yves Boyer analyse l’imprégnation culturelle américaine de l’Alliance, et exprime ses doutes sur la relation franco-allemande comme alternative structurante.

Sur le plan militaire, le général Thomann livre une intéressante réflexion sur l’articulation entre forces conventionnelles et dissuasion nucléaire, et revient sur les inconvénients militaires d’une position hors OTAN : défaut d’interopérabilité avec nos partenaires, absence de participation aux travaux de planification et donc influence amoindrie sur les choix politico-militaires – propos assez proches de ceux du général Houdet.

La quatrième et dernière partie, interrogeant les perspectives, est par construction la plus stimulante, avec en particulier les propos de Michel Duclos qui revient sur les questions entourant les agissements de la Turquie, la place de la Chine dans l’agenda otanien, ou bien sûr la relation OTAN-UE à laquelle il s’agit de donner un contenu concret sur le plan stratégique.

Cet ouvrage apparaît indispensable pour appréhender la complexité des questions otaniennes et la singularité du positionnement français – encore aujourd’hui – dans l’organisation.

Guillaume Garnier

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