Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2023 de Politique étrangère (n° 4/2023). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de Victor Cha et Ramon Pacheco Pardo, Korea: A New History of South and North (Yale University Press, 2023, 288 pages).

Comment et pourquoi Corée du Nord et Corée du Sud se sont-elles séparées en 1945 puis ont-elles suivi des trajectoires si différentes ? Peuvent-elles se réunifier ? Ces questions sous-tendent cet excellent essai sur l’histoire de la péninsule de la fin du XIXe siècle à aujourd’hui, dont les deux auteurs sont des spécialistes reconnus. Victor D. Cha est vice-président du programme Asie du think tank américain Center for Strategic and International Policy Studies et il a été membre du National Security Council en charge, notamment, des affaires coréennes. Ramon Pacheco Pardo est, lui, professeur de relations internationales au King’s College de Londres.

Leur ouvrage, plus axé sur les questions géostratégiques que sur les problématiques économiques et sociales, s’ordonne en sept chapitres chronologiques. Dès les premières pages, les auteurs posent le cadre de l’analyse en affirmant que la série d’événements qui entraîne la colonisation de la péninsule par le Japon en 1910 éclaire trois facteurs externes qui déterminent encore aujourd’hui le destin de la Corée : sa situation géostratégique à l’intersection des grandes puissances asiatiques ; le « pouvoir relatif » de la Corée – un État faible comparativement à ses voisins ; et les intentions des grandes puissances d’influencer le destin de la péninsule.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la péninsule est séparée en zones d’occupation américaine et soviétique. Le peuple coréen est tenu à l’écart du processus de décision. Craignant que Moscou ne se saisisse de toute la péninsule, les États-Unis proposent de diviser la Corée en deux zones. Marquées par la guerre (1950-1953), la République populaire démocratique de Corée au nord et la République de Corée au sud divergent ensuite de manière spectaculaire sur les plans économique et politique.

Cette disparité se creuse encore à partir des années 1980. Séoul connaît une très forte croissance économique et devient une démocratie. Pour Pyongyang, la recherche du contrôle total sur l’économie s’avère un échec, le culte de la personnalité se renforce, et débute le développement d’un arsenal nucléaire. Aujourd’hui, alors que la Corée du Nord demeure l’un des pays les plus isolés du monde, et qu’elle fait surtout la une pour ses menaces nucléaires, la Corée du Sud affiche le 13e produit intérieur brut mondial et une influence culturelle florissante (cinéma, K-Pop…)

Le septième et dernier chapitre du livre développe la question de la réunification. La réponse évidente n’existe pas, mais les deux auteurs analysent clairement l’état actuel des affaires intercoréennes, et se montrent pragmatiques quant aux défis économiques, sociaux et politiques auxquels la Corée du Nord et la Corée du Sud – ainsi que le reste du monde – seraient confrontées en cas d’unification.

Le projet des auteurs de produire « un ouvrage fondé sur la recherche universitaire et accessible au grand public » et de « fournir aux lecteurs une introduction détaillée et analytique à l’histoire coréenne » est réussi. Certes, certains domaines sont examinés rapidement (l’économie ou la politique intérieure), mais c’est le lot des synthèses introductives. Celle-ci est bien menée, et traite de façon équilibrée les questions relatives aux deux pays.

Rémy Hémez

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