Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2023 de Politique étrangère (n° 4/2023). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Renata Karkowska, Zbigniew Korzeb, Anna Matysek-Jedrych et Pawel Niedziolka, Banking, Risk and Crises in Europe: From the Global Financial Crisis to Covid-19 (Routledge, 2023, 196 pages).

Les quatre auteurs, qui enseignent dans les universités de Varsovie, Bialystok et Poznan et à l’École des hautes études commerciales de Varsovie, analysent les implications de la pandémie de Covid-19 sur le secteur bancaire européen.

La pandémie que l’on vient de traverser a provoqué moins de décès que la grippe espagnole de 1918-1919, mais son coût économique a vraisemblablement été supérieur (en points de produit intérieur brut) et ses conséquences sur les chaînes de valeur globales et la finance internationale sont incommensurables. La comparaison établie entre la grande récession de 2008-2009 et la crise sanitaire de 2020-2021 est instructive. La première est un choc endogène – causé par la prise de risque excessive des banques –, tandis que la seconde est un choc exogène.

Face à ces deux crises, les banques centrales européennes se sont montrées très réactives, baissant rapidement le niveau des taux d’intérêt et lançant des politiques monétaires très accommodantes. En moyenne, la rentabilité des actifs et le rendement des capitaux propres des banques européennes ont chuté beaucoup plus sensiblement en 2009 (à la suite de la faillite de Lehman Brothers) qu’en 2020. Néanmoins, cette comparaison présente des limites car le business model des établissements de crédit a profondément changé en l’espace d’une décennie. Ceux-ci ont appris à évoluer dans un environnement de taux très bas, avec une part croissante des revenus provenant des commissions et frais divers.

La pandémie a obligé le secteur bancaire à réviser sa communication, préparer des réductions d’effectifs et élargir l’usage des nouvelles technologies. Mais le défi majeur que les établissements de crédit ont dû gérer a été l’impact du confinement et des arrêts d’activité dans de nombreuses industries (en particulier le secteur hôtelier et des loisirs, le transport aérien et l’industrie automobile). Les banques pouvaient être fragilisées de trois façons. D’abord, lors des premières semaines de la pandémie en mars-avril 2020, il y a eu un doute sur leur capacité à se refinancer. Ce spectre de la banqueroute fut vite écarté par l’action de la Banque centrale européenne (BCE). Ensuite, la valeur des actifs bancaires (prêts accordés aux entreprises et prêts immobiliers et à la consommation octroyés aux ménages) a décliné face au risque de défaut de paiement des débiteurs. Les plans de soutien à l’activité, les subventions et les moratoires fiscaux ont soulagé les acteurs économiques et dissipé les craintes des banques. Enfin, les gouvernements européens ont su convaincre investisseurs et clients qu’ils interviendraient en dernier ressort, si nécessaire, pour soutenir les banques. Celles-ci ont donc été sauvées au prix d’un endettement public massif.

La faiblesse principale de l’ouvrage tient à sa date de publication, relativement « prématurée ». En effet, les auteurs n’ont pas pu prendre en compte la remontée des taux de la BCE amorcée en juillet 2022 afin de lutter contre l’inflation. Or, aujourd’hui, les taux directeurs de la BCE n’ont jamais été aussi élevés depuis l’instauration de la zone euro. Ce changement de paradigme a déjà engendré des crises bancaires aux États-Unis et en Suisse. On ne peut exclure des secousses similaires dans l’Union européenne.

Norbert Gaillard

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