Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022). Michel Boivin propose une analyse croisée de deux ouvrages sur le Pakistan : Asma Faiz, In Search of Lost Glory: Sindhi Nationalism in Pakistan (Oxford University Press, 2021, 288 pages) ; Julien Levesque, Pour une autre idée du Pakistan. Nationalisme et construction identitaire dans le Sindh (Presses universitaires de Rennes, 2022, 316 pages).
Ces deux livres s’intéressent à un territoire situé au sud-est du Pakistan, la province du Sindh. Ils s’inscrivent dans une perspective politologique et sont les versions remaniées de deux thèses de doctorat. Les deux ouvrages s’intéressent à la question du nationalisme sindhi, tout en mettant en œuvre des méthodologies et des perspectives différentes. On peut repérer cette distinction dans les titres eux-mêmes : In Search of Lost Glory: Sindhi Nationalism in Pakistan, et Pour une autre idée du Pakistan. Nationalisme et construction identitaire dans le Sindh. L’intérêt majeur des deux ouvrages étant qu’ils se concentrent sur des questions qui sortent des sentiers battus : le Pakistan est d’ordinaire vu comme un bloc monolithique avec l’islam comme ciment, ce qui est loin d’être le cas.
Cette recension est publiée dans le numéro de Politique étrangère (n° 1/2022). Norbert Gaillard propose une analyse croisée de quatre ouvrages : Cyrille P. Coutansais, La (re)localisation du monde (CNRS Éditions, 2021, 280 pages) ; Gilles Dufrénot et Anne Levasseur-Franceschi, Crises épidémiques et mondialisation. Des liaisons dangereuses ? (Odile Jacob, 2021, 288 pages) ; Bernard M. Hoekman et Ernesto Zedillo (dir.), Trade in the 21st Century: Back to the Past? (Brookings Institution Press, 2021, 560 pages) ; Xavier Ricard Lanata, Demain la planète. Quatre scénarios de déglobalisation (Presses universitaires de France, 2021, 208 pages).
La contestation croissante du multilatéralisme, l’aggravation du réchauffement climatique, la pandémie de Covid-19 et la forte récession qui a suivi en 2020, ont engendré une abondante littérature consacrée à l’avenir de la mondialisation. Cyrille P. Coutansais, directeur de recherches au Centre d’études stratégiques de la Marine, étudie le basculement vers un « monde relocalisé », mû par la révolution robotique et numérique, et l’essor des énergies renouvelables. Gilles Dufrénot, professeur d’économie à Aix-Marseille Université, et Anne Levasseur-Franceschi, enseignante en prépa Normale Sup, montrent que la mondialisation doit être repensée à l’aune de critères scientifiques et éthiques, en s’appuyant sur un rôle accru de l’État. Défendant une approche plus radicale, Xavier Ricard Lanata – ethnologue et philosophe qui nous a quittés en septembre 2021 – prône une « déglobalisation » qui s’apparenterait à un processus de décroissance coordonné entre grandes puissances. Enfin, dans leur ouvrage collectif, Bernard M. Hoekman, professeur à l’Institut universitaire européen, et Ernesto Zedillo, ancien président du Mexique et professeur à l’université de Yale, défendent le statu quo, considérant que les effets positifs du libre-échange sont trop négligés.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2021-2022 dePolitique étrangère (n° 4/2021). Jean-Loup Samaan propose une analyse de l’ouvrage d’Elbridge A. Colby, The Strategy of Denial: American Defense in an Age of Great Power Conflict(Yale University Press, 2021, 384 pages).
Le livre d’Elbridge Colby propose un cadre théorique permettant de définir la future politique de défense américaine. Il part de l’hypothèse selon laquelle celle-ci sera fonction de la compétition entre les États-Unis et la Chine, et soutient que Washington doit mettre en place une « coalition anti-hégémonique » s’appuyant sur ses alliés régionaux (l’Australie, le Japon et la Corée du sud). L’armée américaine aurait alors pour vocation de conduire une stratégie dite de « déni », qui consiste plus spécifiquement à prévenir une invasion de Taïwan par les forces armées chinoises.
Compte tenu de l’actualité, nous vous offrons également à lire en avant-première cette recension, par Michaël Levystone, chercheur au Centre Russie/NEI de l’Ifri, de l’ouvrage de David Teurtrie, Russie, le retour de la puissance(Armand Colin, 2021, 224 pages). Cette recension sera publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022) qui paraîtra le 8 mars prochain.
La Russie est-elle toujours cette « puissance pauvre » évoquée en 1993 par Georges Sokoloff, aux visées hégémoniques très supérieures à ses moyens réels ?
Engluée dans un humiliant déclassement avant la relative prospérité de la décennie 2000, la Russie reprend sa place parmi les puissances majeures du globe au tournant des années 2010. Ce « retour » tient en particulier au renouveau de son armée qui, sous Vladimir Poutine, a fait l’objet d’une refonte structurelle et bénéficié d’un effort budgétaire contrastant avec les sous-investissements chroniques des années 1990. Auréolé d’un prestige militaire retrouvé, dont témoigne la mise au pas des indépendantistes tchétchènes, Moscou fait à nouveau figure de puissance hégémonique crédible. D’un côté, la Russie consolide son leadership dans son étranger proche : création de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) avec l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan ; déstabilisation du Donbass en Ukraine par un soutien officieux aux séparatistes pro-russes. De l’autre, elle étend son influence au Moyen-Orient, où son intervention en Syrie lui permet de garder la concession des bases navale de Tartous et aérienne de Hmeimim, mais aussi en Afrique, avec le déploiement des mercenaires de la société privée Wagner en Centrafrique et en Libye.
La politique de résilience conduite par Vladimir Poutine depuis son arrivée au Kremlin en 2000 a d’autres résultats notables. Décidée en réponse aux sanctions économiques édictées par les États-Unis et l’UE pour punir la Russie d’avoir fait main basse sur la Crimée en 2014, la substitution aux importations de la production nationale (importozameŝenie) permet à Moscou de développer une puissante industrie agricole et de s’imposer comme l’un des principaux exportateurs mondiaux de céréales – avec 20 % du commerce mondial de blé. L’État cherche à dupliquer cette stratégie de développement (astucieusement qualifiée par l’auteur de « substitution des exportations ») dans l’industrie extractive, où la montée en gamme annoncée dans la transformation et les productions à plus forte valeur ajoutée que la simple exportation de matières premières peinent encore à se concrétiser.
Par ailleurs, ayant considéré très tôt le soft power comme un élément complémentaire du hard power, Moscou a une longueur d’avance sur nombre de pays, notamment européens, dans le domaine du numérique, où sa stratégie est à la fois défensive – préserver la souveraineté de l’internet russe (RuNet) face à l’influence occidentale – et offensive – déployer une diplomatie d’influence à l’étranger. Les nombreuses solutions numériques russes (le moteur de recherche Yandex, le réseau social VKontakte, les plateformes de commerce en ligne Ozon et Wildberries, ou encore la messagerie électronique Mail.ru) garantissent l’autonomie de l’État dans un secteur jugé stratégique.
Le « retour de la puissance russe » ne doit pas faire oublier ses défis intérieurs. Ce pays, dont le produit intérieur brut nominal ne dépasse pas celui de moyennes puissances, reste tributaire de sa rente pétro-gazière dans un contexte de décarbonation des économies. De plus, en dépit de mesures natalistes et contre l’alcoolisme et le tabagisme, la démographie russe s’effrite, tendance aggravée par le coronavirus. Et la question de « l’après- Poutine » est toujours sans réponse à l’heure où est publié cet excellent état de l’art sur la Russie.
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