Étiquette : démondialisation

Mondialisation, (re)localisation, déglobalisation…

Cette recension est publiée dans le numéro de Politique étrangère (n° 1/2022). Norbert Gaillard propose une analyse croisée de quatre ouvrages : Cyrille P. Coutansais, La (re)localisation du monde (CNRS Éditions, 2021, 280 pages) ; Gilles Dufrénot et Anne Levasseur-Franceschi, Crises épidémiques et mondialisation. Des liaisons dangereuses ? (Odile Jacob, 2021, 288 pages) ; Bernard M. Hoekman et Ernesto Zedillo (dir.), Trade in the 21st Century: Back to the Past? (Brookings Institution Press, 2021, 560 pages) ; Xavier Ricard Lanata, Demain la planète. Quatre scénarios de déglobalisation (Presses universitaires de France, 2021, 208 pages).

La contestation croissante du multilatéralisme, l’aggravation du réchauffement climatique, la pandémie de Covid-19 et la forte récession qui a suivi en 2020, ont engendré une abondante littérature consacrée à l’avenir de la mondialisation. Cyrille P. Coutansais, directeur de recherches au Centre d’études stratégiques de la Marine, étudie le basculement vers un « monde relocalisé », mû par la révolution robotique et numérique, et l’essor des énergies renouvelables. Gilles Dufrénot, professeur d’économie à Aix-Marseille Université, et Anne Levasseur-Franceschi, enseignante en prépa Normale Sup, montrent que la mondialisation doit être repensée à l’aune de critères scientifiques et éthiques, en s’appuyant sur un rôle accru de l’État. Défendant une approche plus radicale, Xavier Ricard Lanata – ethnologue et philosophe qui nous a quittés en septembre 2021 – prône une « déglobalisation » qui s’apparenterait à un processus de décroissance coordonné entre grandes puissances. Enfin, dans leur ouvrage collectif, Bernard M. Hoekman, professeur à l’Institut universitaire européen, et Ernesto Zedillo, ancien président du Mexique et professeur à l’université de Yale, défendent le statu quo, considérant que les effets positifs du libre-échange sont trop négligés.

La Tentation du repli

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°3/2018). Dominique David, rédacteur en chef de Politique étrangère,  propose une analyse du dernier ouvrage de Philippe Moreau Defarges, La Tentation du repli. Mondialisation, démondialisation (XVe-XXIe siècles) (Odile Jacob, 2018, 248 pages).

Il y a trois thèses dans cet essai. La première : l’histoire du monde moderne est celle d’une ouverture, et d’un élargissement, constants, même si contrariés par l’événementiel des conflits et des reculs. La deuxième : l’élargissement et ses reflux forment un couple insécable, action-réaction naturelles, le deuxième n’étant qu’un soubresaut ne contrariant pas l’ouverture de fond. La troisième : la mondialisation actuelle a déjà modifié le monde, même si semblent s’opposer à elle de lourds acteurs étatiques.

Le nouveau Gouvernement du monde. Idéologies. Structures. Contre-pouvoirs

Cet article, rédigé par Anne-Sophie Novel, est un extrait de Politique étrangère volume 76, n°3, paru à l’automne 2011, portant sur l’ouvrage de Georges Corm « Le nouveau Gouvernement du monde. Idéologies. Structures. Contre-pouvoirs » (La Découverte, 2010).

Georges Corm signe ici un ouvrage pédagogique limpide sur l’état actuel du monde. Cet économiste de profession, spécialiste du Moyen-Orient et de la Méditerranée, a forgé son expertise au cours de nombreuses années de conseil auprès d’organismes internationaux et d’institutions financières. Il livre une analyse critique de la mondialisation et se lance dans un plaidoyer contre les « absurdités sociales auxquelles le monde globalisé nous a menés, et continue de le faire tous les jours ».

Reprenant tour à tour les facteurs culturels, sociologiques, politiques et économiques qui ont donné sa force au mouvement de globalisation, l’auteur entend aller contre les idées reçues et identifier les causes premières des dérèglements dont nous sommes victimes.

Sa démonstration se déroule alors de manière méthodique. Reprenant les fondements du néolibéralisme, G. Corm explique à quel point il est nécessaire d’en démystifier la doctrine économique et de sortir des éternels (faux) débats. Il faudrait par exemple cesser de vouloir sans cesse réduire la place de l’État dans l’économie, de prôner la sacro-sainte flexibilité des salaires, d’idéaliser les systèmes de retraites par capitalisation ou de croire en l’existence de bonnes pratiques pour les investisseurs.

Pire, d’après l’auteur : la grille de lecture du néolibéralisme, non contente de rétrécir le champ des débats économiques, nous empêche de faire face convenablement aux grands enjeux de notre temps. La lutte contre le réchauffement climatique, par exemple, est faussée « par tous ces a priori de la doctrine néolibérale en vertu de laquelle il faut refuser tout contrôle direct des États sur les questions du réchauffement climatique ». Ne devrait-on pas plutôt s’attaquer à la société de consommation et aux gaspillages économiques massifs qu’elle entraîne ? La lutte contre la faim dans le monde et la pauvreté subissent la même logique : sous couvert d’un développement à visage humain, nous oublions d’interroger les causes des inégalités sociales et matérielles, de l’exclusion et de la pauvreté.

Comment, dans ces conditions, aborder les problèmes cruciaux qui demeurent dans le monde ? Comment remettre en cause les dérèglements des systèmes de production des grands pays industrialisés ? Comment sortir des réflexes pavloviens du consumérisme, qui aujourd’hui se retrouvent même dans les logiques politiques ? Autant de questions posées par l’auteur, qui n’hésite pas à étayer ses propos de théories élaborées par les grands penseurs de l’altermondialisme.

Ces remises en cause viennent alors interroger l’évolution de l’enseignement de l’économie. Pour G. Corm, « l’enseignement académique de l’économie prétend désormais avoir accédé au statut de “science dure”. L’absence de discussions approfondies sur cette question permet à ce pouvoir de continuer à fonctionner avec la légitimité que lui attribue l’enseignement de l’économie, stéréotypé et homogénéisé à l’échelle mondiale. » En ligne de mire notamment : la mathématisation de l’approche économique et la tentation de faire de l’économie une science capable de prédire l’avenir avec certitude. Sans parler de la financiarisation de l’économie et de l’utilisation à outrance des modèles économétriques.

G. Corm scrute le pouvoir mondialisé et l’uniformisation du monde pour s’essayer à un – fort utile – exercice prospectif de dé-mondialisation.

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