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Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois

Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir l’article du numéro d’hiver 2015 de Politique étrangère que vous avez choisi : « Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois », par Asiem El Difraoui et Milena Uhlmann.

Couv_PE 4-2015« Les termes « radicalisation », « prévention », « désengagement » et « déradicalisation » se sont largement répandus depuis les attentats du 11 Septembre, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les pays du Nord de l’Europe. Ces concepts sont liés et connaissent un regain d’intérêt en France depuis les attentats de janvier 2015.[1]

La radicalisation est définie comme le processus qui conduit un individu à rompre avec la société dans laquelle il vit pour se tourner vers une idéologie violente, en l’occurrence le djihadisme. La prévention regroupe un ensemble de mesures, concernant des domaines sociétaux variés, visant à empêcher la radicalisation. La déradicalisation vise à « défaire » le processus de radicalisation et à encourager la réintégration des individus concernés dans la société. Dans d’autres contextes, on emploie également le terme de « réhabilitation ». L’ensemble des mesures de prévention et de déradicalisation est souvent désigné par le terme de « contre-radicalisation ».

Si le présent article fait occasionnellement référence au concept de prévention, son objet principal réside dans l’analyse de différents programmes de déradicalisation mis en œuvre dans trois pays européens précurseurs : l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Danemark. L’objectif principal est d’identifier les initiatives les plus prometteuses, mais aussi les problèmes récurrents, pour en tirer quelques leçons pour la France.

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La France du Djihad

Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (1/2015). Marc Hecker propose une analyse croisée de deux ouvrages : celui de François Vignolle et Azzeddine Ahmed-Chaouch, La France du Djihad (Paris, Éditions du Moment, 2014, 208 pages) et celui de Dounia Bouzar, Ils cherchent le paradis, ils ont trouvé l’enfer  (Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2014, 176 pages).

france du djihadDepuis 2012 et la prise de contrôle par les rebelles de plusieurs postes-frontières, l’afflux de combattants étrangers n’a cessé d’augmenter en Syrie. À la fin 2014, près de 15 000 personnes ont ainsi rejoint les rangs de l’opposition à Bachar Al-Assad, dont environ 3 000 Occidentaux. Parmi ces derniers, les Français sont les plus nombreux. D’après les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur en novembre 2014, plus de 1 000 ressortissants français étaient alors impliqués dans les filières syriennes.

Les Français jihadistes

ThomsonCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Marc Hecker propose une analyse de l’ouvrage de David Thomson, Les Français jihadistes (Les Arènes, 2014, 256 pages).

David Thomson, journaliste à Radio France Internationale (RFI), est un spécialiste de la mouvance djihadiste. En 2012-2013, il a réalisé le documentaire « Tunisie : la tentation du djihad », se concentrant sur le groupe Ansar al-Charia, dirigé par un ancien lieutenant de Ben Laden, Abu Iyadh, libéré des geôles tunisiennes lors du renversement de Ben Ali. Ce groupe s’est notamment distingué en septembre 2012 par une spectaculaire attaque de l’ambassade américaine à Tunis, au cours de laquelle des centaines d’individus ont pris d’assaut la chancellerie, brûlant des dizaines de véhicules, volant des ordinateurs et remplaçant la bannière étoilée par l’étendard noir du djihad. Parmi les assaillants se trouvaient des Français, dont certains combattent aujourd’hui en Syrie.

La Syrie – Sham, pour les djihadistes – est au cœur de l’ouvrage de Thomson. D’après les chiffres communiqués par les autorités françaises, environ 700 Français sont partis dans ce pays. Beaucoup d’entre eux ont rejoint les rangs des organisations sunnites les plus radicales comme Jabhat al-Nosra ou l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL). Si le phénomène des filières djihadistes n’est pas nouveau – on avait auparavant connu l’Afghanistan, la Bosnie, la Tchétchénie, l’Irak et le Mali –, la Syrie a suscité plus de vocations djihadistes parmi la jeunesse occidentale qu’aucun autre conflit.

Le Lashkar-e-Taiba

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2012). Laurent Gayer propose une analyse de l’ouvrage de Stephen Tankel, Storming the World Stage. The Story of Lashkar-e-Taiba (Londres, CUP/Hurst, 2011, 354 pages).

Révélé sur la scène internationale par les attaques de Bombay de novembre 2008, le Lashkar-e-Taiba (l’« armée des purs » [LeT]) est une des organisations salafistes-djihadistes les plus actives du sous-continent indien. Fondée à la fin des années 1980 par des vétérans pakistanais du djihad afghan, l’organisation s’est initialement focalisée sur la libération du Cachemire indien, avant d’étendre son djihad à l’Inde tout entière.
Affilié au courant minoritaire des Ahl-e-Hadith, variante sud-asiatique du wahhabisme, le LeT s’est rapidement singularisé dans le paysage islamiste régional par ses opérations fedayin spectaculaires, d’abord au Cachemire puis dans les grandes villes indiennes. Et tandis que l’État pakistanais prenait ses distances avec la plupart des organisations djihadistes de la région au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, le LeT a conservé le soutien de l’armée et de ses puissants services de renseignement (en particulier de l’Inter-Services Intelligence [ISI]), qui continue de voir en lui un proxy aussi loyal que performant.
Storming the World Stage est le premier ouvrage entièrement consacré au LeT, depuis sa formation jusqu’à sa réinternationalisation au contact des militants d’Al-Qaida. C’est précisément sur ce point – l’évolution du LeT vers le djihad global – que l’ouvrage est le plus stimulant. Stephen Tankel démontre ainsi que le LeT – ou tout au moins certains de ses cadres – s’est internationalisé au cours des dernières années, à travers des « vacations » (freelancing) pour le compte d’Al-Qaida, des Talibans afghans ou des djihadistes irakiens. En sens inverse, le LeT a mis son expertise au service de groupes étrangers, tout en servant de point d’entrée en « AfPak » aux volontaires du djihad en provenance d’Europe ou des États-Unis.
Cette évolution, qui d’une certaine manière constitue un retour aux origines (aux dires de l’organisation elle-même, les premiers militants du LeT auraient combattu dans les Balkans, dans le Caucase ou encore en Asie du Sud-Est), est cependant restée incomplète. Outre la barrière de la langue (la plupart des recrues du LeT sont des Pakistanais ourdouphones ou pendjabiphones, ce qui handicape leur déploiement hors de l’Asie du Sud), les militants du LeT tentés par l’aventure du djihad global ont dû compter avec une hiérarchie restée attachée à une stratégie très indocentrée, sans doute en grande partie sous l’influence de ses patrons militaires pakistanais.
En dépit de cette réflexion innovante sur l’extraversion hésitante d’une organisation djihadiste restant finalement très stato-centrée, l’ouvrage de S. Tankel laisse sur sa faim. On peut éventuellement comprendre que l’auteur ait souhaité anonymiser les militants du LeT interrogés mais il aurait fallu présenter quelques éléments biographiques permettant de les distinguer les uns des autres, de les situer dans le paysage social et religieux du Pakistan et de percevoir les séquences successives de leurs parcours militants. Plus surprenante est la négligence des sources vernaculaires, en ourdou notamment.
L’auteur évoque la « propagande » du LeT et ses nombreuses publications mais l’intégralité des références bibliographiques est… en anglais. Des travaux antérieurs avaient pourtant ouvert la voie à une analyse de cette littérature militante en ourdou, de l’étude de Mariam Abou Zahab[1] sur les testaments de martyrs du LeT à celle de Choudhri Mohammed Naim sur l’ouvrage Ham Maen Lashkar-e-Taiba ki[2] (« Nous les mères du Lashkar-e- Taiba »).
La singularité de cette entreprise à la fois terroriste et humanitaire qu’est le LeT méritait un travail plus approfondi, par exemple en prolongement des interrogations de Faisal Devji sur le « terroriste en quête d’humanité », autre contribution récente mais d’une tout autre ampleur sur les transformations idéologiques et stratégiques du terrorisme à l’heure de la globalisation[3].

Laurent Gayer

1. M. Abou Zahab, « I Shall Be Waiting at the Door of Paradise: The Pakistani Martyrs of Lashkar-e-Taiba (Army of the Pure) », in A. Rao et al. (dir.), The Practice of War. Production, Reproduction and Communication of Armed Violence, New York, Berghahn Books, 2007, p. 133-158.
2. C. M. Naim, « The Mothers of the Lashkar », Outlook (Delhi), 15 décembre 2008.
3. F. Devji, The Terrorist in Search of  Humanity: Militant Islam and Global Politics, Londres, Hurst, 2008.

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