Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir l’article du numéro d’hiver 2015 de Politique étrangère que vous avez choisi : « Prévention de la radicalisation et déradicalisation : les modèles allemand, britannique et danois », par Asiem El Difraoui et Milena Uhlmann.
« Les termes « radicalisation », « prévention », « désengagement » et « déradicalisation » se sont largement répandus depuis les attentats du 11 Septembre, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les pays du Nord de l’Europe. Ces concepts sont liés et connaissent un regain d’intérêt en France depuis les attentats de janvier 2015.[1]
La radicalisation est définie comme le processus qui conduit un individu à rompre avec la société dans laquelle il vit pour se tourner vers une idéologie violente, en l’occurrence le djihadisme. La prévention regroupe un ensemble de mesures, concernant des domaines sociétaux variés, visant à empêcher la radicalisation. La déradicalisation vise à « défaire » le processus de radicalisation et à encourager la réintégration des individus concernés dans la société. Dans d’autres contextes, on emploie également le terme de « réhabilitation ». L’ensemble des mesures de prévention et de déradicalisation est souvent désigné par le terme de « contre-radicalisation ».
Si le présent article fait occasionnellement référence au concept de prévention, son objet principal réside dans l’analyse de différents programmes de déradicalisation mis en œuvre dans trois pays européens précurseurs : l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Danemark. L’objectif principal est d’identifier les initiatives les plus prometteuses, mais aussi les problèmes récurrents, pour en tirer quelques leçons pour la France.
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Hayat : déradicalisation et médiation
Hayat est l’un des premiers programmes de déradicalisation au sein de la société civile, lancé par le Centre de la culture démocratique (ZDK) de Berlin, qui disposait d’une expertise en matière de déradicalisation dans les milieux d’extrême droite (« Exit-Deutschland »). Hayat – « vie » en arabe et en turc –, qui compte dans ses rangs un ancien officier de police et des spécialistes de l’islamisme radical, est un programme de conseil et de suivi pour les jeunes radicalisés et leur famille. Depuis janvier 2012, le ministère fédéral de l’Intérieur s’est associé à cette initiative. Une nouvelle structure a été créée dans ce ministère pour coordonner les efforts de contre-radicalisation, structure supervisée non plus par les services de renseignement mais par l’Office fédéral pour les migrations et les réfugiés. Portant sur des aspects « émotionnels », « idéologiques » et « pragmatiques » de la radicalisation, les activités de Hayat sont tournées vers des individus soit en voie de radicalisation, soit déjà radicalisés mais sans avoir quitté le sol allemand, soit de retour des différents théâtres de djihad, ou encore se trouvant toujours sur une terre de djihad mais souhaitant rentrer. Sur le plan émotionnel, l’équipe intervient auprès des familles avec lesquelles les radicalisés, ou ceux en train de l’être, entretiennent encore des liens de confiance. La composante idéologique inclut la déconstruction des notions, interprétations et récits fondateurs des extrémistes, et nécessite une connaissance approfondie des concepts islamiques et islamistes. Le programme comporte également une composante dite pragmatique, englobant les démarches administratives ou de réinsertion professionnelle susceptibles de modifier l’environnement de l’individu. L’équipe de Hayat peut également offrir aux jeunes une assistance psychologique, ou les rediriger vers un groupe religieux non radical.
[1]. Les auteurs souhaitent apporter leurs remerciements à Hugo Micheron pour son aide précieuse dans la relecture de l’étude à l’origine de cet article.
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