Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Marc Hecker propose une analyse de l’ouvrage de Jean Birnbaum, Un Silence religieux. La Gauche face au djihadisme (Paris, Seuil, 2016, 240 pages).

Un silence religieuxJean Birnbaum signe ici un essai stimulant. Un Silence religieux part d’un constat : la gauche ne parvient pas à saisir le phénomène djihadiste et refuse d’en admettre la dimension religieuse. Ce refus se traduit notamment par un raisonnement répété par nombre d’élus socialistes : l’État islamique n’est pas islamique et le djihadisme n’a rien à voir avec l’islam. Ce raisonnement, que Birnbaum qualifie de « rien-à-voirisme », est considéré par l’auteur comme contre-productif. Au lieu d’affirmer que le djihadisme est étranger à la religion, mieux vaudrait « admettre qu’il constitue la manifestation la plus récente, la plus spectaculaire et la plus sanglante de la guerre intime qui déchire l’islam. Car l’islam est en guerre avec lui-même ». En essayant maladroitement de combattre l’amalgame entre musulmans et terroristes, les responsables politiques contribueraient au contraire à « alimenter l’ignorance dont se nourrit l’islamisme », et abandonneraient les « esprits critiques qui tentent, parfois au péril de leur vie, de soustraire l’islam aux fanatiques ». Birnbaum rend un vibrant hommage à ces esprits critiques – Arkoun, Meddeb, Benzine, Djaït, Bidar, Sedik ou encore Benslama –, qui analysent les liens entre islam, islamisme et djihadisme.