Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2012). Claire-Marine Selles propose une analyse de l’ouvrage d’Olivier Guillard, Géopolitique de l’Inde : le rêve brisé de l’unité (Paris, PUF, 2012, 212 pages).

L’approche didactique de cet ouvrage permet de saisir de façon claire les enjeux que pose une société de plus de 1 milliard d’individus dans un pays qui, après avoir été pendant des années associé au sous-développement, revendique aujourd’hui un rang de puissance tant régionale que mondiale. L’inévitable fragmentation induite par la taille et la diversité de la population indienne semble constituer, pour Olivier Guillard, le principal obstacle retardant la jeune nation dans son ascension vers le devant de la scène internationale.
Héritière d’une histoire millénaire, l’Inde est multiple et contrastée. Six religions principales et plus de 300 ethnies s’y côtoient, critères de mobilisation fondamentaux dans la politique nationale. Le Bharatiya Janata Party (BJP), principal parti d’opposition, adopte par exemple un discours hindou-nationaliste face à l’historique et séculaire Congrès qui fut l’artisan de l’indépendance du pays. Cependant, ce sont les disparités socio-économiques qui divisent le plus profondément l’Union Indienne, où les sept dixièmes de la population ont encore un mode de vie rural, alors que les mégalopoles comme Mumbai ou Bangalore, cœurs du dynamisme économique, font de l’Inde un des leaders mondiaux des technologies de communication. De plus, la corruption et la lourdeur administrative endémiques ne permettent pas au gouvernement de satisfaire les besoins en infrastructures et services d’une population en développement et le mécontentement qui en découle se traduit par des insurrections violentes, comme la révolte naxalite et la prolifération de partis identitaires ou séparatistes. L’Inde se classe 95e sur les 182 États dont Transparency International a mesuré le niveau de corruption en 2011.
Les réponses aux questionnements de l’unité indienne pourraient bien se trouver à l’extérieur, où le pays continue d’étendre son rayonnement. Après deux décennies d’un développement sans précédent, aujourd’hui neuvième puissance économique mondiale, l’Inde offre en Asie une alternative à l’hégémonie chinoise. Grâce à sa bonne image internationale, elle suscite l’adhésion de nombreux acteurs internationaux, dont les États-Unis. Elle s’affirme comme un acteur privilégié aux plans militaire – elle y investit annuellement 2,8 % de son produit intérieur brut (PIB) – et économique, rendue plus attractive et courtisée que jamais par sa septième place dans le classement des plus importantes réserves de change.
Le pays doit pourtant éviter les écueils d’un développement poussé qui pourrait laisser pour compte tout une part d’une population où à peine six individus sur dix savent lire. Aux contraintes intérieures s’ajoute le fardeau de l’instabilité régionale, les conflits territoriaux avec le voisin pakistanais ne faisant que ranimer la mémoire de la sanglante partition de 1947.
Malgré les obstacles et un début d’année politiquement mouvementé, O. Guillard est confiant en l’avenir et estime que l’Inde d’aujourd’hui a non seulement la motivation, mais aussi les atouts et les partenaires nécessaires à ses ambitions de puissance, qu’elle combine avec la retenue et la justesse qui caractérisent sa diplomatie.

Claire-Marine Selles

Pour acheter PE 4/2012, cliquez ici.
Pour vous abonner à
Politique étrangère, cliquez ici.