Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2012). Clément Therme propose une analyse de l’ouvrage de David Patrikarakos, Nuclear Iran: The Birth of an Atomic State (New York, I.B. Tauris, 2012, 368 pages).

Ce livre est le premier à retracer de manière aussi détaillée et complète les motivations de Téhéran depuis les débuts du programme nucléaire. L’auteur s’appuie sur des sources de première main, incluant les témoignages inédits de différents acteurs des négociations nucléaires. Pour chaque temps du programme nucléaire, l’auteur s’appuie sur des entretiens avec des responsables des questions nucléaires. Il éclaire ainsi les dynamiques politiques expliquant les principaux moments de rupture et les continuités dans la quête nucléaire iranienne initiée par la monarchie Pahlavi en 1957. Un accord bilatéral entre Téhéran et Washington établit alors une coopération visant au développement des « usages pacifiques de l’atome ». L’accord prévoit la fourniture par les États-Unis d’un réacteur de recherche à eau légère d’une capacité de 5 mégawatts. Il s’agit de l’acte fondateur du programme nucléaire iranien, avec soutien technique américain et renonciation de Téhéran au nucléaire militaire. Les questions nucléaires sont alors le domaine réservé du shah qui soutient l’idée d’une institution indépendante : l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran (OEAI), créée en 1974. Le shah juge que l’Iran a besoin de l’énergie nucléaire, le pétrole étant une énergie finie. Le programme nucléaire est ambitieux avec pour objectif la construction de 20 réacteurs : ces ambitions sont notamment soutenues par le gouvernement français, qui crée un poste d’attaché en charge de l’énergie nucléaire à l’ambassade de France en Iran.
Les nouvelles autorités de la République islamique dénoncent les projets nucléaires du shah comme renforçant la dépendance économique et industrielle de l’Iran. Le programme nucléaire est alors dénoncé comme la « poursuite du colonialisme par d’autres moyens » et suspendu pendant quelques années. Ce n’est qu’en 1985 que les recherches visant à acquérir une capacité d’enrichissement autonome commencent. L’auteur détaille la transformation du programme nucléaire en cause nationale par les autorités de la République islamique. Il décrypte le discours des autorités iraniennes sur les questions du désarmement, de la dissuasion, mais aussi des droits des nations non dotées de l’arme nucléaire en matière d’usage pacifique de l’atome.
La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à la crise nucléaire qui dure depuis 2002 et aux révélations des activités nucléaires iraniennes dissimulées à la « communauté internationale ». En conclusion, l’auteur estime que la poursuite de la quête nucléaire de l’Iran s’explique d’abord par la conviction de l’Iran qu’il ne pourra atteindre la reconnaissance internationale qu’en négociant en position de force. Ce livre est incontournable pour comprendre les forces profondes qui déterminent l’affrontement en cours. Il faut saluer cette recherche destinée à demeurer une référence sur une question majeure pour le maintien de la stabilité au Moyen-Orient, mais aussi pour l’avenir du régime de non-prolifération nucléaire.

Clément Therme

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