Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Juan Flores Zendejas propose une analyse de l’ouvrage de Jacques de Larosière, Cinquante ans de crises financières  (Odile Jacob, 2016, 272  pages).

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Jacques de Larosière présente un témoignage précieux sur les épisodes les plus dramatiques, et déterminants, concernant l’économie européenne et mondiale des années 1960 aux années 1990. La richesse de son parcours lui a permis d’accumuler de multiples expériences, dans l’administration publique française, certaines organisations internationales et divers conseils d’administration.

L’auteur ouvre son récit sur une évocation de ses origines familiales, de son enfance et de sa formation. Il énumère ses postes successifs dans l’administration publique française aux chapitres IV à VI, avant de se pencher dans les chapitres VII à IX sur ses années à la tête du Fonds monétaire international (FMI), puis à la Banque de France et enfin à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Le livre se conclut sur un exposé de ses expériences comme conseiller de banques et d’entreprises, ou encore dans d’autres activités : enseignant à Sciences Po ou participant récurrent à l’Institut de la finance internationale. Dans la dernière partie de l’ouvrage, l’auteur livre ses réflexions sur les crises des années 1990 et celles qui ont affecté plus récemment l’Europe, et en particulier la Grèce en 2010.

Ce livre nous fournit un aperçu utile et complémentaire aux travaux déjà existants sur l’histoire du FMI ou sur la construction monétaire européenne. L’auteur a le mérite de nous faire part de ses impressions personnelles, aidant le lecteur à comprendre les dilemmes ou les conflits des moments de haute tension. Ses analyses sont accompagnées de passages tantôt plaisants, tantôt moins, sur sa vie familiale.

Cet ouvrage propose enfin une vision générale sur les origines des problèmes contemporains de l’économie mondiale. L’auteur insiste sur les effets particulièrement néfastes de l’effondrement du système de Bretton Woods, et sur le déficit de coordination qui s’est ensuivi en matière de politique monétaire dans les pays du G7. Cette problématique revient lorsque la discussion s’ouvre sur la construction de la monnaie européenne, la surveillance bancaire ou les politiques budgétaires. Enfin, l’instabilité monétaire et l’augmentation des dettes publiques ne seraient qu’un symptôme d’un problème plus profond, de nature structurelle, à l’origine de la crise en Europe et surtout en Grèce. Larosière critique ouvertement la gestion de cette tourmente par le FMI. L’institution a eu à son sens le tort de privilégier les bonnes relations avec ses actionnaires plutôt que de suivre les procédures prédéfinies. La seconde option aurait conduit à une restructuration des dettes dès le début de la crise, ce qui eût été de toute évidence préférable.

L’élégante narration des événements et la clarté de l’argumentation emmènent le lecteur dans un passionnant voyage à travers le temps. Comme dans tout récit autobiographique, certaines questions restent cependant sans réponse. Jacques de Larosière revient fréquemment sur la rationalité des décisions prises, mais il n’exprime aucun regret. Ce qui a de quoi surprendre quand on sait qu’il a dû faire face à la pire crise des dettes souveraines de l’après-guerre (en 1982-1985), et s’engager dans des politiques toujours très controversées, qui ont ouvert la voie au célèbre « consensus de Washington ». Cette carence invite implicitement, à partir des expériences de l’histoire récente, à quelque circonspection sur les défis actuels et les réponses qui leur sont apportées.

Juan Flores Zendejas

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