Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012). Isabelle Saint-Mézard, chercheur associé au Centre Asie de l’Ifri et maître de conférences en géopolitique asiatique à l’Institut français de géopolitique de l’université Paris 8, propose une analyse de l’ouvrage de David M. Malone, Does the Elephant Dance? Contemporary Indian Foreign Policy (Oxford University Press, 2011, 448 p.).
Universitaire et diplomate, David M. Malone dresse dans cet ouvrage un panorama des enjeux de la politique étrangère de l’Inde et s’appuie pour ce faire sur son expérience de Haut Commissaire du Canada à New Delhi de 2006 à 2008. Son analyse se concentre sur les principaux axes de la diplomatie indienne : le partenariat avec les États-Unis et trois dossiers majeurs – le voisinage immédiat, la Chine et les grandes négociations multilatérales.
Si les relations de l’Inde avec l’Asie orientale, le Moyen- Orient, la Russie et l’Europe sont aussi évoquées, on regrettera que celles avec l’Afrique et l’Asie centrale manquent au tableau. Par ailleurs, le choix de traiter la Russie et l’Union européenne (UE) en un même chapitre, au motif que leurs relations avec l’Inde sont sur le déclin, s’avère discutable. Concernant l’Asie du Sud, l’auteur rappelle judicieusement que l’incapacité de l’Inde à pacifier ses relations avec ses voisins constitue la principale faiblesse de sa politique extérieure. En l’occurrence, New Delhi n’a pas d’autre choix que de « convaincre ses voisins que l’Inde est une opportunité, pas une menace ». Si les difficultés de l’Inde en Asie du Sud sont finement analysées, la relation conflictuelle avec le Pakistan mériterait, elle, d’être traitée plus en profondeur. L’affirmation, présentée dès l’introduction, selon laquelle « une guerre incontrôlée et de grande ampleur entre les deux pays est aujourd’hui moins probable que jamais » demanderait à être étayée, tant l’hostilité entre les deux États garde un caractère structurel.
Le meilleur de l’ouvrage se trouve dans le chapitre sur la diplomatie multilatérale indienne. En la matière, l’auteur constate une « prédilection grandissante de l’Inde pour la gouvernance mondiale par oligarchie », c’est-à-dire en coalition avec d’autres grands « émergents », comme cela a été le cas par exemple avec le groupe BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) lors des négociations de la conférence de Copenhague sur le changement climatique en 2009. Autrement dit, l’Inde évite le « vrai multilatéralisme » et investit plutôt dans une diplomatie de club pour « comanager le système international au plan économique et, dans une moindre mesure, en matière de sécurité ». De surcroît, tout en se ralliant à cette diplomatie d’élites, l’Inde ne se montre en rien disposée à endosser des responsabilités internationales. D.M. Malone met ainsi en lumière le décalage entre les ambitions de la diplomatie indienne et la réalité de sa pratique, avant de conclure : « Alors que l’Inde a gagné en stature internationale, la transition de sa politique extérieure reste incomplète mais sa contribution est de plus en plus attendue. Il en est ainsi des manières à la table des grands. »
L’ouvrage, qui fourmille de détails et d’informations, repose sur un vaste corpus de sources secondaires dont la bibliographie rend largement compte au gré de ses 30 pages. Le propos, toujours clair, lui donne par ailleurs une qualité très didactique. Does the Elephant Dance? constitue donc une solide introduction générale pour ceux qui ne sont pas familiers des problématiques extérieures indiennes, tout en fournissant aux spécialistes une mine d’informations à laquelle se référer.
Isabelle Saint-Mézard
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