Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (3/2012). Célia Belin, docteur en science politique et spécialisée en relations internationales, propose une analyse de l’ouvrage d’Aurélie Godet, Le Tea Party, portrait d’une Amérique désorientée (Paris, Vendémiaire, 2012, 248 pages).

Comme l’écrit l’auteur dès son introduction, bien des politologues diraient aujourd’hui au sujet du Tea Party : « Beaucoup de bruit pour rien » (Too much hype). Plus proche du mouvement populaire que du parti politique, né d’une vague de mécontentement et de contestation à l’égard des dirigeants au pouvoir et nourri par la crise économique, le Tea Party brille par son absence dans la campagne présidentielle de 2012. Alors que médias et commentateurs se sont régalés du phénomène en 2009-2010, qu’une vaste mobilisation a contribué à la victoire historique des républicains aux élections de mi-mandat, et alors que Sarah Palin s’était incarnée en grande prêtresse du mouvement, les candidats Tea Party aux primaires républicaines (Michelle Bachmann, Herman Cain, voire Rick Perry ou Newt Gingrich) se sont tous rapidement inclinés. La course à la nomination républicaine s’est soldée par un duel entre le catholique ultra-conservateur Rick Santorum et le gouverneur-businessman Mitt Romney, tous deux représentatifs d’autres tendances de la droite américaine, qu’on croyait moribondes. Plus généralement, le Tea Party semble avoir disparu des écrans radar médiatiques et politiques, tandis qu’on ne parle que de l’influence de richissimes donateurs ou du retour des néoconservateurs.
C’est au-delà de l’actualité qu’il faut regarder pour apprécier le rôle que joue le Tea Party dans la politique américaine, ce que fait cet ouvrage dont la lecture est aisée, mêlant volontiers références intellectuelles et informations journalistiques.
Aurélie Godet y retrace les origines du mouvement, de l’appel du journaliste Rick Santelli à protester contre les plans de relance économique du président Barack Obama en juillet 2009, aux manifestations massives de militants, à Washington, DC et ailleurs, jusqu’à la mobilisation électorale de 2010 qui a porté au Congrès plus de 40 candidats estampillés Tea Party. L’auteur évoque également la stratégie de récupération du Tea Party par un Parti républicain sans leader charismatique et sans direction depuis l’échec de 2008, la contre-offensive, faible et anecdotique, des démocrates et le rôle du Tea Party en 2012, dans un chapitre malheureusement un peu trop rapidement périmé.
Le véritable apport de cet ouvrage réside dans les quatre chapitres qui en constituent le cœur. L’auteur s’attache à y démontrer les fondements du mouvement Tea Party : son contenu idéologique, le profil type de ses militants, la force de ses organisations et les appuis financiers et politiques dont il dispose. Ce faisant, A. Godet souligne l’éclectisme du mouvement, ses paradoxes et ses contradictions. Coalition anti-Obama, le Tea Party fédère des groupes divers et parfois opposés, rassemblés derrière un attachement viscéral à la Constitution, à un système d’imposition réduit et au small government.
La démonstration vise à convaincre que le Tea Party est bien plus que la somme des parties qui le composent et incite à penser qu’en dépit de l’éclipse actuelle, le mouvement pourrait avoir de beaux jours devant lui. Pourtant, nous dit Aurélie Godet : « Le Tea Party tel qu’il existe aujourd’hui n’a pas la solidité que certains lui prêtent ; il est probable que rétrospectivement, les historiens désigneront l’année 2010 comme celle de son apogée et celle de 2011 comme celle de son déclin. »
Sans répondre à tous les questionnements, l’ouvrage nous donne des clés pour enrichir notre compréhension du phénomène contestataire de droite sous Barack Obama et pour appréhender la transformation actuelle profonde que connaît la droite américaine.

Célia Belin

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