Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2012). Vivien Pertusot propose une analyse de l’ouvrage de Thomas Renard et Sven Biscop (dir.), The European Union and Emerging Powers in the 21st Century: How Europe Can Shape a New Global Order (Burlington, VT, Ashgate, 2012, 208 pages).
Il n’y a aujourd’hui qu’un seul sujet de politique étrangère européenne auquel les États membres semblent consacrer quelque réflexion : les partenariats stratégiques. L’Union européenne (UE) a créé ce label afin de décrire les relations privilégiées qu’elle entend construire avec une dizaine de pays : les traditionnels émergents, dont l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie (BRICS), et d’autres pays, dont la Corée du Sud ou le Mexique. Si le concept semblait prometteur, sa concrétisation reste inaboutie : manque de vision stratégique, attractivité européenne en inadéquation avec ses demandes, emphase excessive sur les coopérations techniques, etc.
Face à ce constat, Thomas Renard et Sven Biscop font l’état des lieux, dressent un bilan, jaugent les forces en présence et esquissent des pistes pour corriger le déficit stratégique de ces partenariats. Ils réunissent des auteurs de renom, spécialistes de la politique extérieure de l’UE, comme Jolyon Howorth,Richard Gowan ou Tomas Ries.
L’ouvrage se veut ambitieux. Outre l’analyse des partenariats stratégiques de l’UE, il s’agit de savoir comment l’Union pourrait sortir la tête haute d’un contexte international en pleine mutation. Chaque auteur est convaincu que le rôle de l’Union comme acteur international est sous-évalué, mais surtout que le potentiel européen est suffisant pour garantir que l’UE prendra sa place de puissance leader de ce monde. Les chapitres nous présentent donc les atouts européens, la nécessité de pousser la dimension stratégique de l’UE et les opportunités de la gouvernance multilatérale.
Cette contribution s’inscrit dans la lignée d’une école europhile déjà touffue, mais dans un domaine à défricher. Elle a l’avantage de se vouloir englobante et d’ouvrir des perspectives intéressantes. Délibérément supranationale, l’approche ignore cependant une réalité : la politique extérieure de l’UE demeure le privilège des 27 États membres ; on peut s’étonner ici de leur absence… Avant d’envisager la relation de l’UE avec les puissances émergentes, on pourrait interroger les politiques des grands États membres vis-à-vis de ces pays et la manière dont elles intègrent une éventuelle dimension européenne sur le sujet. Il est trop simple de les écarter simplement parce qu’aucun État européen ne pourrait peser seul à l’échelle mondiale. La première partie théorique, qui fait un panorama de l’ordre global actuel, aurait pu être abrégée, ce qui aurait peut-être permis de couvrir des aspects occultés : des études de cas et des analyses thématiques, sur le commerce par exemple, auraient enrichi le raisonnement.
Cet ouvrage pose néanmoins une première pierre intelligente et fort utile sur un sujet qui continuera d’alimenter nombre de réflexions. Il permet de cadrer le débat et ouvre de multiples pistes de recherche.
Vivien Pertusot
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