Cette recension est issue de Politique étrangère 1/2013. Gaylor Rabu propose une analyse de l’ouvrage de Jack A. Gladstone, Eric P. Kaufmann et Monica Duffy Toft (dir.), Political Demography: How International Population Changes Are Reshaping International Security and National Politics (Oxford, NY, Oxford University Press, 2012, 342 pages).
Les États connaissent ou connaîtront sous peu des changements démographiques majeurs, rapides et de grande ampleur, et notamment un vieillissement démographique au nord et une explosion démographique au sud. Ces bouleversements sont sources de conflictualité à grande échelle, à la fois à l’intérieur des États et au-delà.
L’ouvrage est divisé en cinq parties. La première pose les bases théoriques de l’étude. La théorie proposée par Jack A. Gladstone fixe les principes d’une analyse des rapports systémiques entre sous-groupes de forces politiques sur lesquels vont agir les dynamiques démographiques. L’approche est séduisante mais ses fondements nécessiteraient de plus amples justifications. La deuxième partie traite de l’impact des évolutions des changements démographiques sur la seule sécurité internationale. On retiendra particulièrement la contribution de Jennifer Dabbs Sciubba : l’auteur élabore un cadre théorique original afin d’étudier les interactions entre le vieillissement et les enjeux sécuritaires. Elle contribue ainsi à mettre en perspective cette question sur le plan de la productivité et des « capacités politiques » des populations nationales. Partant, elle relativise l’hypothèse du déclin des démocraties du Nord. La troisième partie relative aux liens entre développement, conflit et structure des populations s’avère une des plus stimulantes. Les quatre contributions proposent des analyses illustrées et s’appuient sur des concepts éprouvés, notamment pour traiter du lien entre la part élevée des jeunes dans une population et le risque de violences. La démarche se veut plus scientifique que les analyses traditionnelles, le plus souvent empiriques et fondées sur de simples postulats. On recommandera ainsi particulièrement la lecture de l’article « The Age-Structural Maturity Thesis ». La quatrième partie porte sur la relation entre la structure démographique des États et leurs politiques nationales. Si toutes les contributions n’évitent pas certaines analyses un peu hâtives, elles ont pour la plupart le mérite de traiter de questions largement contournées en France, et notamment celle de l’impact des mouvements migratoires sur les orientations politiques futures. La cinquième et dernière partie est peut-être la moins novatrice. S’intéressant aux relations entre conflits, religions et ethnicité, les contributions sont certes riches d’illustrations et fertiles en questionnements. Elles manquent néanmoins parfois de profondeur d’analyse et de scientificité.
Comme tout ouvrage collectif, la présente publication est donc d’une qualité inégale dans son contenu. Par ailleurs, le vieillissement aurait pu mériter une contribution supplémentaire. S’il ne rassasie pas complètement le lecteur avide d’analyses sur le sujet, l’ouvrage se distingue néanmoins par la variété des thématiques traitées, la richesse des données et un véritable appareil scientifique. Il constitue donc une invitation à approfondir ces questions et nous rappelle que toute analyse politique prospective décorrélée des facteurs démographiques est vouée à quelque désillusion.
Gaylor Rabu
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