À lire ci-dessous : l’article de Michel Goya « La guerre de trois mois : l’intervention militaire française au Mali en perspectives », paru dans Politique étrangère 2/2013. Cet article, diffusé également sur le site Diploweb, a fait l’objet d’une note sur le blog de Phillipe Chapleau, journaliste à Ouest-France sur les questions de défense et de politique étrangère.
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Résumé – L’intervention au Mali a permis de réduire significativement le potentiel des djihadistes opérant au Sahel. Ce succès a été rendu possible par la conjonction d’une prise de décision politique claire et d’un dispositif militaire efficace. Cette opération a toutefois révélé des carences, notamment capacitaires, et mis en avant la nécessité d’apporter un soutien durable à l’armée malienne qui ne pourra faire face, même appuyée par une force onusienne, à une possible reconstitution des groupes djihadistes.

00-PE-2-2013-CVsmallDevant l’urgence des événements au Mali, la France a rompu avec des années d’hésitations dans l’emploi de la force, pour frapper directement et violemment un ennemi clairement identifié. Contrairement aux idées alors admises, il s’avérait donc que l’action unilatérale était encore possible, dès lors qu’existait une volonté politique permettant d’engager des troupes au sol et de prendre des risques. La victoire militaire au Mali, pour brillante qu’elle soit, est cependant encore incomplète et surtout limitée. La France a gagné une bataille. Elle n’a pas pour autant stabilisé le pays ni surtout vaincu le djihadisme au Sahel, et il ne suffira pas de le dire pour faire disparaître nos ennemis. Il reste à faire en sorte que cette guerre de trois mois victorieuse ne soit pas un coup d’épée dans le sable, ce qui suppose au moins une vision stratégique de la région et le maintien de capacités militaires adaptées.

Une surprise stratégique française
L’intervention militaire au Mali, le 11 janvier 2013, est d’abord une surprise stratégique pour les djihadistes qui, en lançant la veille leur offensive vers le Sud du Mali, n’avaient probablement pas anticipé la réaction française. Du côté français, les moyens d’intervention aériens et terrestres étaient pourtant visibles et relativement proches, de la Côte-d’Ivoire au Tchad en passant par le Gabon et le Burkina-Faso, sans parler du dispositif d’alerte métropolitain. Très clairement, nos ennemis n’ont pas cru que la France, c’est-à-dire le président de la République, oserait s’en servir.
Cette erreur d’appréciation doit certainement à une vision d’États occidentaux réticents à s’engager vraiment après l’expérience afghano-irakienne, mais aussi de plus en plus empêchés de le faire par un Conseil de sécurité des Nations unies renouant peu à peu avec les grippages de la guerre froide. L’intervention en Libye en 2011, elle-même très indirecte et non suivie d’une opération de stabilisation au sol, a pu apparaître comme le chant du cygne d’une volonté déclinante. Les atermoiements qui ont suivi face à la guerre civile syrienne semblaient confirmer que l’on avait effectivement atteint un point bas.
Plus localement, et à plus court terme, l’idée qu’aucune puissance extérieure n’interviendrait au Mali pouvait s’appuyer sur un certain nombre de déclarations françaises. Un ancien responsable des opérations des armées françaises n’affirmait-il pas lui-même en juillet 2012 que « les enseignements tirés des opérations en Afghanistan interdisent, de fait, pratiquement toute intervention terrestre menée par les Occidentaux dans un pays musulman [1] » ? Plus important, le président de la République – incarnation de la dissuasion française, qu’elle soit nucléaire ou conventionnelle – déclarait en octobre et en novembre 2012 qu’il n’y aurait pas d’intervention directe au Mali mais seulement un appui à une force régionale [2]. La simple absence d’une unité de protection terrestre, comme cela avait été le cas dans le passé dans plusieurs capitales africaines lorsque les ressortissants et les intérêts français avaient été gravement menacés, semblait visiblement témoigner que nous n’étions pas prêts à « mourir pour Bamako ». […]
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Michel Goya

Michel Goya, officier de l’armée de Terre, breveté de l’École de guerre et docteur en histoire, a notamment publié Res militaris. De l’emploi de la force au XXIe siècle (Paris, Economica, 2010).

1. J.-P. Gaviard, « Intervention militaire en Syrie : quelles possibilités ? », Le Monde, 2 juillet 2012, disponible sur : <www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/02/une-intervention-militaire-en-syrie-est-possible_1727201_3232.html>.
2. Voir : <www.egaliteetreconciliation.fr/Hollande-novembre-2012-En-aucun-cas-la-France-n-interviendra-au-Mali-15998.html>.