Cette recension est issue de Politique étrangère 2/2013. Claudia Hulbert propose une analyse de l’ouvrage de Barry Eichengreen, Dwight H. Perkins et Kwanho Shin, From Miracle to Maturity. The Growth of the Korean Economy (Cambridge, MA, Harvard University Press, 2012, 382 pages).

00-Eichengreen-Perkins-ShinEntre les années 1960 et le milieu des années 1990, la Corée du Sud a connu un essor économique exceptionnel, avec un taux de croissance moyen avoisinant les 9 %. Le pays est ainsi passé, en quelques décennies, du statut de pays pauvre à celui d’économie développée, membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le maintien de la croissance économique s’est, de ce fait, imposé comme une question sociétale et politique centrale en Corée. Or, depuis le début des années 2000, les performances économiques du pays se sont ralenties.
Pour les auteurs, les déterminants traditionnels de la croissance ont joué un rôle certain dans le développement sud-coréen. L’accumulation de capital a été spectaculaire dans les premières années de décollage du pays, initiant probablement le processus de croissance. Dans les années 1980 et 1990, le progrès technique a clairement contribué au rattrapage du pays, qui s’est beaucoup rapproché de la frontière technologique mondiale. Enfin, les politiques d’éducation ont probablement été décisives durant toutes les phases du développement. Le taux de scolarisation en troisième cycle est passé de 6,9 % en 1965 à 87 % en 2002, transformant une économie à main d’œuvre peu qualifiée en vitrine technologique riche en capital humain.
Le ralentissement de la croissance depuis une dizaine d’années est une évolution normale pour une économie qui approche de la maturité. Le niveau d’éducation est l’un des plus élevés parmi les économies développées, le pays consacre déjà l’une des parts les plus importantes de sa richesse aux investissements et à la recherche et développement (R&D) et la population vieillit à un rythme accéléré, ce qui limite de facto les possibilités de croissance.
Les auteurs identifient toutefois un certain nombre de mesures qui pourraient bénéficier à la performance économique du pays. En premier lieu, comme toute économie arrivant à maturation, la structure de la croissance sud-coréenne change et s’oriente davantage vers les services. Or, la productivité dans le secteur des services, qui rassemble désormais plus de 70 % de l’emploi, est particulièrement faible ; une dérégulation de ce secteur pourrait générer d’importants gains de productivité et relancer la croissance, comme cela a déjà été le cas dans le secteur bancaire. De même, la Corée du Sud aurait tout intérêt à mettre en place des politiques volontaristes visant à accroître les investissements directs étrangers (IDE), qui ont été accaparés par la Chine depuis deux décennies. D’autres réformes, telles que la refonte du système d’éducation supérieure ou une plus grande ouverture à l’immigration, pourraient également stimuler la croissance du pays.
From Miracle to Maturity est un ouvrage complet qui repose sur une multitude d’études économétriques et compare les modalités de développement de divers pays. Il a aussi le mérite de rappeler les principales théories économiques de la croissance. Mais la force du livre est évidemment d’analyser un par un les principaux déterminants de la croissance sud-coréenne, ainsi que leur évolution, et d’éclairer de façon satisfaisante l’histoire économique récente du pays. Pour ces raisons, il constitue une lecture indispensable pour tous ceux qui cherchent à comprendre les fondements du développement économique.

Claudia Hulbert

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