Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2013). Vincent Bignon propose une analyse de l’ouvrage de Dirk Schoenmaker, Governance of International Banking. The Financial Trilemma (New York, Oxford University Press, 2013, 224 pages).
Le premier chapitre de cet ambitieux ouvrage décrit sa principale proposition, l’incompatibilité entre trois objectifs : avoir des groupes bancaires globalisés, assurer la stabilité financière et garder des autorités nationales de régulation financière. L’auteur soutient que seuls deux des trois objectifs peuvent être atteints. Il conclut donc que nous connaîtrons soit une forte instabilité financière si l’on garde des groupes bancaires globaux mais des autorités prudentielles nationales ; soit une désintégration financière si l’on garde des autorités nationales tout en visant la stabilité financière ; soit une poursuite de l’intégration financière mais au prix d’un transfert de la surveillance et de la résolution des banques globales vers des organisations internationales.
Le deuxième chapitre utilise la théorie des jeux pour montrer que les États-nations n’ont pas intérêt à assurer la stabilité financière en recapitalisant les banques internationales en détresse. Pour affirmer cela, l’auteur postule que le bien-être global est toujours assuré quand les banques bénéficient de plans de sauvetage mais que les autorités nationales échouent à mettre cette solution en place quand les banques ont une part trop grande de leur activité à l’étranger.
Le chapitre 3 tente de caractériser la géographie des banques internationales, en insistant sur leur taille et leur grande diversification. Le chapitre 4 présente sans originalité différents exemples récents illustrant la réticence des gouvernements à coopérer pour recapitaliser les banques Lehman Brothers, Fortis ou Dexia. Ayant établi l’incapacité de l’architecture actuelle à assurer la stabilité financière, le chapitre 5 étend le modèle du chapitre 2 pour explorer les différentes solutions théoriques aux difficultés de coopération entre États. L’absence de perspective historique fait ici cruellement défaut, notamment lors des discussions sur le lien entre l’absence de coopération internationale et la globalisation des banques.
Le chapitre 6 discute des obstacles politiques à la mise en place d’une gouvernance mondiale intégrée des banques internationales. L’expérience récente est utilisée pour montrer le poids des décisions nationales en matière de sauvetage d’institutions financières et les externalités négatives qu’elles font peser sur les autres pays, tout en soulignant la contradiction entre le besoin de réglementation globale et le caractère national de la loi.
Le chapitre 7 est le plus intéressant, traitant des modifications à apporter à l’architecture financière internationale pour en assurer sa stabilité. Dirk Schoenmaker souligne la nécessaire séparation des pouvoirs entre l’organe en charge de la définition du cadre réglementaire, le superviseur chargé d’en assurer le respect, le prêteur en dernier ressort qui doit refinancer les banques illiquides mais solvables et l’autorité assurant les dépôts et la recapitalisation des insolvables. D’où la proposition d’une démarche réaliste d’attribution de ces compétences aux différentes organisations existantes, à la fois pour l’Europe mais aussi pour le monde.
Finalement, l’ouvrage permet de préciser les enjeux et les dangers de l’architecture financière actuelle. Il apporte donc un éclairage utile sur le débat européen en matière d’union bancaire. Mais l’utilisation du langage formel et l’absence de discussion analytique et historique originale affaiblissent la principale thèse de l’auteur, aux postulats parfois fragiles.
Vincent Bignon
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